Combattre en dictature, la Wehrmacht face au débarquement
Un historien de la seconde guerre mondiale vue de l’autre côté
Chercheur au CNRS, Jean-Luc Leleu a consacré sa thèse de doctorat à la Waffen SS, sujet épineux s’il en est. Il a publié chez Perrin fin août une somme, un magnum opus même, Combattre en dictature, où il analyse le débarquement vu du côté allemand. On est loin, on va le voir de l’ouvrage de Paul Carell, Ils arrivent ! (Robert Laffont, 1963), qui était un ancien propagandiste nazi.
Un combat joué d’avance ?
Jean-Luc Leleu démontre avec brio que la Wehrmacht, consciente au plus haut point de l’enjeu, a tenté de se préparer au débarquement allié, attendu sur les côtés du Nord-Ouest. Par contre, le haut-commandement allemand a péché parfois par excès de confiance dans ses préparatifs. Et puis, disons-le, la dyarchie Runstedt/Rommel fonctionne mal, y compris au niveau de leurs états-majors respectifs. Au moment des premières réactions, le chaos règne au sommet et ce sont les subordonnés qui réagissent, avec retard. Les tentatives de contre-attaques sont des échecs, largement dus à des problèmes de coordination. Très vite, les bons tacticiens comprennent que la Wehrmacht ne pourra tenir longtemps et envisagent un repli…
Retour sur la mentalité de guerre du soldat allemand
L’aspect le plus intéressant de l’ouvrage concerne le soldat allemand. Conditionné par la propagande et par des habitudes culturelles (on obéit sans poser de questions à l’officier et in fine au Führer), son consentement au combat, au jusqu’au-boutisme voire au sacrifice inutile d’un point de vue tactique est interrogé. Il est clair que le soldat allemand se bat bien et durement. Il est clair également, avec des variations selon les unités et les officiers, qu’on exerce sur eux une forte pression pour combattre, même sans aucune chance. Mais, au fil des semaines des combats en Normandie, les attitudes évoluent, la disproportion des forces étant, même pour de simples fantassins, trop évidente du point de vue matériel. Les officiers supérieurs, pourtant gâtés par le régime financièrement, finissent par s’en rendent compte. Et parfois ils se rendent avec leurs unités.
Une synthèse magistrale.
Sylvain Bonnet
Jean-Luc Leleu, Combattre en dictature, 1944 la Wehrmacht face au débarquement, Perrin, août 2022, 784 pages, 28 €