La guerre de cent ans, le grand affrontement
Responsable du Département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime aux Archives Nationales, Amable Sablon du Corail est l’auteur d’un ouvrage remarquable sur la bataille de Marignan (Tallandier, 2015) et d’une biographie de Louis XI (Belin, 2015). Il revient ces jours-ci avec un ouvrage sur la guerre de cent ans, publié chez Passés composés. Qu’apporte-t-il de neuf sur ce conflit fondateur de deux nations ?
L’impôt, voilà la solution
Toute guerre est dévoreuse d’hommes… et d’argent. Au début de ce conflit somme toute dynastique -par les femmes, Édouard III, descendant direct de Saint Louis, est bien mieux placé dans l’ordre de succession au trône de France que Philippe VI de Valois -, les Anglais disposent d’un avantage financier : le parlement de Londres vote ainsi des subsides importants et disons-le légitime par rapport à ceux d’un roi de France plus impécunieux. Mais le royaume de France est vaste, plus peuplé même en tenant compte de l’impact de la Peste noire. Amable Sablon du Corail démontre avec brio comment Charles V, puis son petit-fils Charles VII, vont mettre en place un système fiscal appuyé sur la Taille, permettant de dégager des ressources décisives. Les Valois se montrent ici plus efficaces et plus modernes.
La victoire des stratèges sur les tacticiens
L’historiographie a insisté souvent sur les désastres de Crécy (1346), Poitiers (1356), Azincourt (1415) où, peu ou prou, à chaque fois, la chevalerie française mord la poussière et se fait hacher menu par les archers anglais (et surtout gallois). Militairement, les Anglais triomphent et bénéficient des erreurs de leurs adversaires… mais ils n’arrivent pas à pérenniser leurs conquêtes. Mis à part en Aquitaine et, après 1420, en Normandie, leur domination est fragile. Les troupes vivent sur le pays et paient de surcroit un lourd tribut aux épidémies. Les français, d’abord avec du Guesclin, démontrent leur maîtrise de la « petite guerre », faites de coups, d’harcèlements, d’embuscades. Et puis les rois de France s’appuient sur un discours idéologique solide, sur une « religion royale » qu’ils parachèvent et qui assure leur légitimité auprès des élites en premier lieu (le peuple suit).
Brillante synthèse, bien écrite au demeurant.
Sylvain Bonnet
Amable Sablon du Corail, La guerre de cent ans, Passés composés, septembre 2022, 462 pages, 25 euros