Le droit de croire, la France et ses minorités religieuses (XVIe – XXIe siècle)

Directeur d’études à l’école pratique des hautes études, Patrick Cabanel est un des meilleurs spécialistes de l’histoire du protestantisme en France et on lui des ouvrages comme Les Protestants et la République (Complexe, 2000), Juifs et protestants en France, les affinités électives (Fayard, 2004) ou Ferdinand Buisson, père de l’école laïque (Labor et Fides, 2016). Il a sorti Le droit de croire, dont le sous-titre « La France et ses minorités religieuses XVIe – XXIe » siècle est éloquent.

Une histoire troublée

Patrick Cabanel nous conte comment la fille aînée de l’église a dû apprendre à vivre avec des minorités religieuses en son sein. Difficile pour un pays façonné par le catholicisme jusqu’à récemment ! c’est d’ailleurs dans la douleur des guerres de religion que commence cette histoire où l’État royal cherche confusément entre 1562 et 1598 à organiser cette vie commune, en prenant en compte le poids politique du parti protestant. Il y avait eu d’autres minorités auparavant comme les cathares et les vaudois mais les persécutions avaient eu raison d’elles. On connait bien l’histoire de la révocation et ses conséquences. La minorité protestante se maintient en tout cas, posant un casse-tête aux autorités royales et une série de réflexions chez les philosophes qui vont aboutir à sa reconnaissance. Si les jansénistes, autre minorité, n’éprouve que tardivement de la solidarité envers les protestants, il est clair que ceux-ci et les juifs vont se rencontrer, se comprendre plus facilement qu’ailleurs. La Révolution et l’Empire vont organiser la vie de ces minorités reconnues par l’État, avec des pasteurs et des rabbins salariés au titre du régime concordataire. Au XIXe siècle, une société encore très largement catholique apprend donc à vivre avec ses minorités religieuses, y compris en Algérie française vis-à-vis de l’Islam, un nouveau venu…

Une France biconfessionnelle ?

Cabanel analyse très bien les débats de la Séparation et démontre avec talent la difficulté de son application en Algérie où le salaire des imams est maintenu. Il est fascinant de voir que la République a cherché dès la période de l’Algérie française à organiser le culte musulman à la manière de l’église catholique : Joxe, Chevènement et Sarkozy n’avaient donc rien inventé lors de la formation du CFCM, disparu en 2023. Aujourd’hui l’Islam est a priori la deuxième religion de France face à un catholicisme en déclin et Cabanel pose la question suivante : La France est-elle sur le point d’aboutir à une forme de « biconfessionnalisme », « entre catholicisme et islam »?  Les tendances démographiques semblent le montrer, à côté d’une masse de plus de cinquante pour cent d’indifférents et aussi de la montée des chrétiens évangéliques. Cabanel voit aussi la France « laïcarde » se rapprocher de la moyenne européenne et de la situation de pays comme la Belgique ou les Pays-Bas. Chacun se fera son avis.

Sylvain Bonnet

Patrick Cabanel, Le droit de croire, la France et ses minorités religieuses XVIe – XXIe siècle, Passés composés, avril 2024, 384 pages, 24 euros

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