« Commode, L’empereur gladiateur » d’Eric Teyssier

Un historien de la Rome antique

 

Maître de conférences à l’université de Nîmes, Éric Teyssier s’est fait remarquer en publiant des biographies de Spartacus (Perrin, 2012) et surtout de Pompée (Perrin, 2013), rival malheureux de César battu à Pharsale et assassiné par les égyptiens en -48. En 2015, on a vu aussi Éric Teyssier publier un excellent ouvrage, Les Secrets de la Rome antique, excellente vulgarisation sur l’antiquité romaine. Il revient ici avec une nouvelle biographie consacrée cette fois à Commode, dernier empereur de la dynastie antonine et fils de Marc Aurèle, l’Empereur Philosophe.

 

Comprendre un mystère

 

Le mystère Commode, tel qu’il se dégage des sources antiques, est le suivant : comment le fils de Marc Aurèle, élevé par d’excellents précepteurs, est-il devenu un monstre ? Parvenu au pouvoir à dix huit ans, Commode termine les campagnes de son père sur le Danube et revient aussitôt à Rome, qu’il ne quittera plus. Là, il sombre dans une vie de débauches, laissant la réalité du pouvoir à ses favoris. Commode était-il fou ? A-t-il souffert de l’absence de son père (la paternité de Marc Aurèle fut contestée, sans preuves) et d’une mère, Faustine, tour à tour tyrannique et aimante, complotant dans l’ombre dans son mari ? Difficile de restituer la psychologie d’un homme à 1800 ans de distance. Reste que Commode sombre au cours de son règne dans la paranoïa et la psychose, fait exécuter sénateurs et chevaliers, nomme des incapables corrompus comme gouverneurs et préfère combattre comme gladiateur dans l’arène (un scandale pour les élites traditionnelles). Un miracle que l’Empire tienne ! Surtout que la conjoncture économique s’est retournée et que les épidémies de peste et de variole déciment la population.

 

Le début du déclin ?

 

Est-ce le début du déclin de l’empire romain ? Deux films hollywoodiens — La Chute de l’empire romain du grand Anthony Mann et Gladiator de Ridley Scott — ont clairement pris parti pour cette option. Eric Teyssier remarque avec à propos que les élites orientales de l’Empire prennent une importance nouvelle, signe de la stagnation voire du déclin économique des provinces occidentales, sans compter qu’il fallait bien remplacer les sénateurs assassinés par Commode. L’empire dure encore plusieurs siècles et Septime Sévère, qui sort vainqueur de la guerre civile les assassinats de Commode et de son successeur Pertinax, redressera la situation (Teyssier semble dans un jugement plus négatif le concernant).

 

Un problème historiographique

 

On se permettra d’émettre des réserves sur la conclusion qui voit dans le règne de Commode le passage du principat au dominat. Il s’agit ici de notions qui ont été remises en cause par nombre de chercheurs. Opposer la pratique de gouverner d’Auguste à celle de Dioclétien paraît trop réducteur car le dominat est déjà dans le principat, le prince est depuis -27 la figure principale de l’état romain. Le problème est que nous sommes tributaires de sources littéraires écrites par des auteurs appartenant ou reproduisant le point de vue du sénat (on renvoie ici à l’excellent ouvrage d’Yves Roman, Empereurs et sénateurs) et qui ont longtemps donné une perspective biaisée à la recherche historique. En Egypte, Auguste était déjà adoré comme un Dieu vivant. Quant aux antonins, dynastie charismatique, ILS ont exercé un pouvoir sans partage.

 

Cependant, ces réserves n’enlèvent rien aux qualités de clarté et de pédagogie qui caractérisent cette biographie de Commode.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Éric Teyssier, Commode, Perrin, septembre 2018, 368 pages, 23 euros

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