Contre les racines, enfin de la polémique
Professeur de philologie classique à l’université de Sienne, Maurizio Bettini a publié une grande quantité d’ouvrages dont certains ont été traduits en français : citons Le Pythe des sirènes (Belin, 2010), Le Portrait de l’amante (Belin, 2012), Eloge du polythéisme (Les belles lettres, 2016). Contre les racines se veut clairement un réquisitoire contre l’identitarisme actuel. Alors, allons au cœur de l’ouvrage et jugeons !
La controverse sur l’identité
Maurizio Bettini attaque l’idée selon laquelle nous avons des racines « immuables », judéo-chrétiennes, portées par certains courants politiques de droite (mais pas que, n’oublions Jean-Pierre Chevènement) choqués par les attaques constantes du camp « multiculturel » (on gardera cet adjectif faute de mieux). Bettini, dans une succession de courts chapitres incisifs et très bien écrits (et plein d’érudition), apporte une réponse nécessaire aux intégristes de l’identité.
On appréciera grandement le passage sur les « racines alimentaires » : chaque italien vénère la tomate et le piment, tous originaires… d’Amérique (on remerciera les Indiens). Cela relativise effectivement l’idée de racines.
De la difficulté du débat
Sans rejoindre les identitaires, on est gêné par une des assertions de Bettini selon laquelle nous sommes juste de passage. De passage sur quoi ? Qu’entend-il par-là ? Une identité ne se fonde pas seulement sur un message identitaire mais sur une mythologie et une langue. Le débat actuel est hystérisé de part et d’autre (en partie à cause de la dramatique question des migrants) mais il reste que l’identité existe. L’erreur est de la vouloir (ou de la croire) fermée. Or une identité évolue, change, s’adapte (comme une langue). Les grecs se sentaient grecs, même s’ils « volaient » des éléments à d’autres cultures (et eux aussi étaient « volés »), comme les européens d’hier et d’aujourd’hui (dont on pourrait longuement discuter la filiation « désirée » avec les grecs de l’antiquité).
En tout cas, Bettini livre un ouvrage qui pousse à réfléchir. Et c’est tant mieux !
Sylvain Bonnet
Maurizio Bettini, Contre les racines, traduit de l’Italien par Pierre Vesperini, Flammarion, « champs », septembre 2017, 176 pages, 8 euros