Les prépondérants, des destins croisés au coeur de l’Histoire, entre colonisation et fracture européenne

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Professeur de littérature à Paris, Hédi Kaddour est né à Tunis en 1945 d’un père Tunisien et d’une mère Algérienne. Avec Les Prépondérants, il nous conduit dans cette Tunisie sous protectorat français, post première guerre mondiale, où plusieurs mondes et mentalités se croisent et s’entre-croisent, avec plus ou moins de succès.
Son livre a reçu, entre autre, le Grand Prix du roman de l’Académie Française en 2015, en même titre que 2084 de Boualem Sansal.

« Nous sommes beaucoup plus civilisés et tous ces indigènes, nous pensons beaucoup plus, donc nous avons le devoir de les diriger ; pour très longtemps, car ils sont lents, et nous nous groupons pour le faire du mieux possible »

Nahbés, petite ville du Maghreb sous protectorat français dans les années 1920. La ville est séparée en deux, la ville ancienne, la ville indigène, et la ville européenne. D’un côté les Arabes, de l’autre les colons français dont les Prépondérants, les Français les plus influents.
Deux mondes, deux cultures qui évoluent en harmonie. Ou presque. Nahbés est colonisé. Les Français sont les patrons, les Arabes les sous-fifres. Même l’élite arabe, malgré son éducation à l’européenne, n’est pas acceptée dans tous les cercles.
C’est dans cet équilibre factice que s’installe au Grand Hotel de Nahbés une équipe de tournage américaine. Les Américains attirent le regard, ils organisent de grandes fêtes et racontent les excès du monde hollywoodien, la liberté des moeurs, l’incompréhension fasse à ce système de caste Arabes/Français. Ils choquent les premiers par l’excès de liberté, ils choquent les second qui se protègent dans un carcan de supériorité.

Raouf, fils de caïd, fait partie de la jeunesse arabe nationaliste et cultivée. Il rêve de la fin du protectorat. A cette époque les choses bougent en Turquie sous l’impulsion de Mustafa Kemal. Et pourquoi pas nous ? Il débat de ces idées avec ses amis à La Porte du Sud, un café de Nahbés, il se dresse contre l’autorité de son père qu’il considère comme trop proche des colons. Et surtout il aime les escarmouches avec Ganthier, un des Prépondérants qui l’a vu grandir.

Mais c’est avec Neil, réalisateur, et notamment sa femme Kathryn, actrice vedette, que Raouf va découvrir une autre vision du monde, celui de l’amour libre, de l’Europe en pleine reconstruction et pourtant au bord du gouffre, et qu’il va grandir…

 

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Magnifique roman sur la colonisation et la liberté, où la fiction se mêle à la réalité historique

Véritable roman d’amour mais également d’apprentissage, Les Prépondérants, au travers de ses trois principales parties, nous montre l’évolution des différents personnages, de Raouf, mais également de Rania, sa cousine veuve qui refuse le joug de son frère, de Gabrielle, une journaliste féministe française qui ose, et finalement de Ganthier qui, de Prépondérant, se révèle pourtant tellement attaché à son pays d’adoption, sa culture et surtout son peuple.

Les Prépondérants est également un livre d’Histoire, avec un grand H. L’évolution des mentalités au Maghreb où l’idée d’indépendance devient de plus en plus forte. L’évolution de l’Europe qui s’achemine doucement mais sûrement vers la 2nde Guerre Mondiale avec la renommée grandissante en Allemagne d’un certain petit homme à moustache en réponse au carcan imposé par la France.

Au final dans cette volonté de liberté d’être et d’aimer, d’égalité entre Français et Arabes mais également entre hommes et femmes, qui en sortira vainqueur ?

Il faut prendre le temps de lire ce roman riche sur tous les plans, qui nous transporte du Souk de Nahbés à la Rhénanie en passant par Paris, nous plonge dans les problématiques de cette époque et nous rappelle surtout que la liberté n’a pas de prix.

 

Margot Baudonivie

 

Hédi Kaddour, Les Prépondérants, Gallimard, « folio », août 2017, 557 pages, 8,20 euros

 

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