Numéro deux, passer à côté de la chance de sa vie

Dans un style qui lui est propre et qui fait son succès, David Foenkinos s’attaque à la question de savoir comment ne pas rater sa vie après être passé très près d’être le numéro un. Il place le personnage de Numéro deux dans le casting de Harry Potter et le fait vivre en fonction de cette lourde et inutile question : et si.

Passer à côté de sa vie potentielle

Martin Hill, comme tant d’autres, n’a pas été choisi pour le rôle qui fera la carrière de Daniel Radcliffe. Pire, il est arrivé numéro deux. C’est-à-dire qu’il a échoué comme tous les autres, mais de si peu que ce si peu devient l’élément qui va déterminer le reste de sa vie. Et si ? Et si ce petit franco-anglais était devenu une star du cinéma, ses parents n’auraient-ils pas divorcer, aurait-il été plus heureux parce que célèbre et riche ? La lumière qui se serait projeté sur lui en aurait-elle fait un autre ? Le gamin d’une dizaine d’années est projeté sans ménagement dans l’univers des possibles auxquels il n’aura pas accès. C’est assez sadique ! Quelle vie aurait-il eu sans ce possible devenu impossible !

Toutefois, David Foenkinos montre aussi la rédemption possible, passant par l’acceptation d’un échec et la connaissance de la vie réelle de celui qui a réussi. Le triste destin du numéro deux s’éclaire dès lors qu’il accepte de quitter la liste, et de redevenir lui-même. C’est le combat de Martin, triste petit bonhomme qui croit passer à côté de sa vie.

un livre pour les fans

David Foenkinos a son lectorat assidu, et ce livre est fait pour eux. Il y a des tics d’écriture comme ces appels au lecteurs qui se mêlent à la narration même et vient rompre un style parfois élégant. Il y a une certaines légèreté. Et il y a ce sujet, jouer sur la marque Harry Potter, pour plonger le lecteur dans un univers connu, voire convertir les lecteurs du petit sorciers qui pourraient, à leur tour, avoir vécu cette expérience du « et si j’avais été… ». Harry Potter n’est pas Poulidor, il ne faut pas combattre pour arriver deuxième, juste ne pas être choisi, c’est laisser le destin choisir pour vous plutôt que de se battre.

C’est léger, malin, facétieux. Mais guère plus. Les grandes questions sur l’expérience de devenir quelqu’un malgré tout, de se construire dans cet échec, d’exister en tant qu’homme complet, passent de manière superficielle. C’est évoqué, mais noyé dans un style qui cherche la légèreté sans toujours offrir, pour plagier Kundera, la pesanteur en contrepoint. Et puis être le deuxième n’est pas forcément un échec, tous les puinés le savent — et David petit frère de Stéphane devrait le savoir également…

Une fois refermé, Numéro deux laisse le sentiment que l’auteur est passé un peu à côté de sa bonne idée en restant trop à la surface des choses.

Loïc Di Stefano

David Foenkinos, Numéro deux, Gallimard, janvier 2022, pages,19,50 eur

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