Deux hivers un été, un témoignage saisissant

Deux hivers un été est un nouveau roman graphique sur la Seconde Guerre mondiale et la Shoah. Sujet que d’autres grands illustrateurs ont mis en image, de Jean-Claude Servais à Osamu Tesuka en passant par Art Spiegleman. Sans oublier David Olère témoin et dessinateur des camps de la mort par définition. Deux hivers un été relate une histoire vraie, avec ce supplément d’âme qui ne vous laissera pas indifférent.

La survie juive ne tient qu’à un fil

Curieusement ce moment intense s’est inscrit en moi. Encore aujourd’hui, lorsque les lumières des appartements en face de chez moi s’allument, je pense à tous ces gens qui vivent dehors, sans abri… 

De la Pologne à la France en passant par la Suisse, la famille Danzing s’installe à Paris pour y faire sa vie. Le père avait été fait prisonnier politique lors d’un séjour touristique dans la capitale, au moment de la déclaration de la Première Guerre. Il n’en gardera étrangement que de bons souvenirs et décidera d’y revenir.

Cette famille juive travaille avec acharnement et talent. Elle développe son atelier de confection jusqu’au 3 septembre 1939, jour de la déclaration de guerre avec l’Allemagne. Une guerre perdue si vite… que la machine dévastatrice contre le peuple juif ne tarde pas.

Les mesures prises à marche forcée incitent le père à envoyer ses filles en zone libre pour qu’elles soient à l’abri, avant que le piège ne se referme sur toute la fratrie. Wally part avec deux sœurs vers un petit village aux alentours de Grenoble.

Les parents sont traqués et conduits vers les camps. Et les filles essaient de se cacher et de subsister en travaillant avec leurs faux papiers. Arriveront-elles à devenir transparente ? Quelle sera l’issue pour Wally qui témoigne de sa vie et de sa famille ?

Une famille juive parmi tant d’autres…

Deux hivers un été s’ouvre sur des dessins en noir et blanc. A mi-parcours l’espoir d’une trêve est annoncé avec une touche de vert. La couleur va s’immiscer avec l’arrivée en zone libre. Telle une nouvelle vie qui prédit des bonheurs mais aussi des souffrances… Être coupée de sa vie d’avant, de ses parents. N’avoir que très rarement des nouvelles et puis plus du tout…

La scénariste nous fait vivre quelques instants d’insouciances mais comme la marée revient la crainte, la peur. Celle de ne pas arriver à manger à sa faim, celle d’être pris, celle d’être exécuté. L’auteur nous renvoie en annexe aux archives de la famille, les repères historiques, les quelques photos sauvées pour garantir l’authenticité.

Si Wally témoigne pour ce roman auprès de Valérie Villieu, cela nous conforte qu’elle en est ressortie saine et sauve. Ce n’est pas le cas de ses proches, elle n’est d’ailleurs pas vraiment indemne, les souffrances peuvent ressurgir à tout moment.

Un premier album maîtrisé

Une mention spéciale au dessinateur Antoine Houcke. D’après nos radars, il réalise sa première bande dessinée, outre le fanzine Rhizome qu’il a co-fondé. Que ce soit par le dessin et toutes les techniques employées, ou encore par la structuration des pages ou encore l’appropriation des images d’archives qu’il en fait et l’usage des codes du nazisme qu’il transforme telle la couverture pour marquer les esprits. Il a réalisé un travail conséquent sur près de 200 pages avec des scènes qui resteront encore dans ma mémoire longtemps. Certainement aussi l’histoire . Les couleurs pastel ainsi que celles sépias ne nous feront pas oublier ces drames familiaux.

Xavier de la Verrie

Valérie Villieu (scénario) Antoine Houcke (dessin), Deux hivers un été, La Boîte à Bulles, mai 2020, 192 pages, 24 eur

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