Requiem pour une République, le passé nous hante

La tentation du journaliste : le roman

On ne fera pas ici de présentation de Thomas Cantaloube car il s’agit ici de son premier roman. On l’a jusqu’ici surtout connu comme journaliste au pôle international de Mediapart. Pour son premier polar, il a choisi de se coltiner à la guerre d’Algérie, encore un tabou de notre histoire nationale (notre Ve République est née de cette guerre) qui a pu séduire le journaliste de gauche. Voici cependant la seule question qui compte : avec Requiem pour une République, a-t-il donné un bon roman (la seule question ici qui vaille la peine) ?

Le cher pays de notre enfance

A l’automne 1959, le général de Gaulle gouverne depuis près d’un an et a instauré une nouvelle République. La France mène cependant une guerre sans le nom en Algérie avec des répercussions sur la métropole. Un avocat algérien marié avec une française est assassiné avec sa famille. Le préfet Papon et son adjoint Deogratias y voient un règlement interne au FLN. Ce n’est pas assez aux yeux du père de l’épouse de l’avocat, Aimé de La Salle de Rochemaure. Autrefois, il fut Félix dans la Résistance et il appelle Gallura, alias Antoine Carrega, un corse lié au Milieu et ancien de son réseau pendant la guerre.

Ma fille est morte et des ordures piétinent son cadavre, Gallura ! Ce sont les mêmes salauds que ceux que nous combattions dans le maquis ! »

Gallura/Carrega accepte de mener son enquête. Du côté de la police, Blanchard et Janvier s’occupent du meurtre. Blanchard est un jeune policier idéaliste qui se retrouve aussi chargé de la protection du sénateur Mitterrand après un attentat près de l’observatoire. Pendant ce temps, l’assassin, recruté par un homme de Papon, court toujours…

Une entreprise ambitieuse

Requiem pour une République est plein d’une promesse : raconter dans un polar les bouleversements apportés par la guerre d’Algérie via les manipulations politico-judiciaires. Comme dans les romans d’Ellroy, on croise dans cette narration touffue des personnages réels : Papon bien sûr mais aussi Le Pen, Mitterrand, Pasqua et… Jean-Pierre Melville (pour le coup, l’auteur lui rend un bel hommage).

Au final, ce roman séduit même si on peut être gêné ici et là par le ton un peu polémique de certains dialogues (pensons à Mitterrand) a priori apocryphes, handicap classique de la reconstitution historique. Mais ne boudons pas notre plaisir, il s’agit d’un bon polar.

Sylvain Bonnet

Thomas Cantaloube, Requiem pour une République, Gallimard, « série noire », janvier 2019, 544  pages, 21 eur

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