L’abécédaire de Raymond Aron, un spectateur toujours présent

Aron est toujours vivant

Aujourd’hui où beaucoup pensent qu’Aron avait raison, à un moment où l’Europe et l’occident démocratique est en crise, L’abécédaire de Raymond Aron, publié précédemment aux éditions de l’Observatoire, apportera un ensemble de citations, autant d’éclairs de sa pensée, extraits de ses ouvrages (les mémoires bien sûr mais aussi Le spectateur engagé, L’Opium des intellectuels, La tragédie algérienne, Paix et guerre entre les nations). Elles sont rassemblées par Dominique Schnapper et Fabrice Gardel.

Aron le sceptique

Adversaire de Sartre, du communisme totalitaire, Aron a sa vie durant été un commentateur caustique, un peu froid, ironique de son temps. Il faut dire qu’il a le don des formules assassines, ainsi sur le stalinisme :

« Le stalinisme doit sa force d’attraction, pour une large part, à sa faiblesse sur le plan intellectuel. Il en impose parce qu’il constitue un système simplifié du monde. »

Du don d’habiller pour l’hiver, comme on dit. Et goûtons cette saillie sur le socialisme :

« J’ai été socialiste aussi longtemps que je n’ai pas fait d’économie politique. »

Chez Aron, l’idéologie est donc jugée, auscultée, sous-pesée, évaluée et réévaluée, toujours de façon critique. C’est sans doute pour cela que les jeunes intellectuels des années soixante lui préféraient le gauchisme ou le maoïsme, du moins pour un temps.

Aron est actuel

Pourtant, en parcourant ce florilège, on se dit que Raymond Aron est là, présent, pour commenter notre temps. Ici par exemple :

« La démocratie est un des contrepoids nécessaires à la pesanteur croissante de la bureaucratie. »

Ou cette phrase qui devrait méditer par biens des locataires de Matignon, de Bercy ou même de l’Élysée :

« On ne vit pas pour un taux de croissance. »

Incroyable, j’ai l’impression qu’il est là, à côté de moi, où à la radio, commentant l’action d’Emmanuel Macron :

« Tous les combats politiques sont douteux. Ce n’est jamais la lutte entre le bien et le mal, c’est le préférable contre le détestable. Il en est toujours ainsi, en particulier en politique étrangère. »

Au fond, nous avons besoin de lire, relire, réfléchir, contredire s’il le faut, un homme de la trempe de Raymond Aron. Cet abécédaire constitue une bonne introduction à une œuvre toujours en mouvement. Plus que recommandé, vital en ces temps obscurs.

Sylvain Bonnet

Dominique Schnapper & Fabrice Gardel, L’abécédaire de Raymond Aron, Alpha « Philosophie », septembre 2023, 292 pages, 8 euros

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