Le piège chinois, un récit pour l’histoire

On ne connaît pas ici Dolkun Isa, président du congrès mondial ouïghour et un des principaux opposants au régime chinois. Son témoignage, Le piège chinois, paru chez Flammarion en début d’année, est en tout cas très éclairant sur la façon dont la Chine communiste peut traiter opposants, dissidents et représentants de ses minorités.

L’arme d’Interpol

Issu de la minorité ouïghour, Dolkun Isa est étudiant au moment des évènements de Tiananmen. De plus en plus opposé à la politique chinoise qui opprime les siens, il réussit à quitter la Chine (où reste sa famille) en 1994. Il finit par s’installer en république fédérale d’Allemagne et par en acquérir la nationalité, tout en continuant ses activités politiques. Mais ce n’est pas la fin de ses ennuis car la Chine a réussi à le faire qualifier de terroriste et a fait émettre une notice rouge par Interpol : chaque fois qu’il se rend à l’étranger, il est susceptible d’être arrêté et renvoyé en Chine où, il le sait, la mort et la torture l’attendent. S’il ne risque rien en Europe, l’Asie lui est fermée et, lors d’un passage en Corée du sud, il manque d’être expulsé vers la Chine… Si la notice a fini par être levée récemment, pressions et influence chinoise lui interdisent encore le passage en Turquie, pays pourtant culturellement proche des ouïghours.

Un témoignage glaçant

Pendant ce temps en Chine, ses proches sont arrêtés. Sa mère meurt en camp de détention, il ne l’a jamais revue. La minorité ouïghour est persécutée, ses mosquées détruites, la pratique de la langue interdite et certains sont même stérilisés. C’est horrible, condamnable et je me demande vraiment où sont nos belles âmes éveillées, si sensibles au sort de Gaza… mais voilà la Chine, c’est la 2e puissance mondiale, beaucoup d’argent est en jeu et beaucoup tournent la tête ailleurs. En tout cas, le livre de Dolkun Isa fera date car il peint ici la pratique d’un régime qu’on peut qualifier de totalitaire.

Sylvain Bonnet

Dolkun Isa, Le piège chinois, traduit de l’anglais par Eric Darbré, Flammarion, janvier 2024, 400 pages, 22,50 euros

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