L’Aigle et le Léopard, l’aveuglement anglais devant Hitler

Historien et journaliste

Auteur de L’ami américain (Perrin, 2017), des Entretiens oubliés d’Hitler (Perrin, 2019), de de Gaulle et les grands (Perrin, 2020), Éric Branca est un passionné de l’histoire de la seconde guerre mondiale, incluant aussi les années trente, marquées par les renoncements des démocraties face à Hitler : L’aigle et le léopard retrace ainsi la trouble fascination des élites anglaises envers le IIIe Reich.

Une fascination qui vient de loin

Éric Branca reprend le dossier dès ses origines : dès la conclusion du traité de Versailles, de nombreux dirigeants anglais ont commencé à prendre leurs distances avec l’ancien allié français, estimant que la paix avec l’Allemagne était trop « carthaginoise » (en référence au traité imposé par les romains à leurs rivaux après la bataille de Zama en -202). Ils renouaient avec le traditionnel Balance of powers qui régissaient la politique étrangère britannique depuis le XVIIe siècle afin d’empêcher toute hégémonie d’un pays (souvent la France) en Europe. Et de nombreux liens unissaient les aristocraties allemandes et anglaises, la finance aussi. On voit ainsi Montaigu Norman, dirigeant de la banque d’Angleterre, soutenir Hjalmar Schacht lors de la crise monétaire de 1923-24. Mais tout change avec la montée du nazisme.

Au nom de l’anticommunisme, des liaisons troubles

L’opinion britannique est pacifiste, les dirigeants également. Ils n’en sont pas moins foncièrement hostiles au communisme. Pour beaucoup, Hitler leur va bien, pouvant servir de rempart face à l’URSS. Ils veulent croire à ses offres de paix, qui correspondent chez lui à une admiration ancienne de l’empire britannique. Si le parcours de Mosley reste une exception, il traduit cependant la complaisance des élites anglaises face au nazisme. Éric Branca retrace le parcours édifiant du futur roi Edouard VII, dont le règne est vite écourté par les conservateurs. C’est pourtant parmi leurs rangs qu’on trouve les partisans de l’Apaisement, Chamberlain et Halifax en tête. Il faudra bien des déconvenues, dont les honteux accords de Munich, pour que Chamberlain comprenne partiellement que c’est Churchill qui avait raison depuis le début. En terminant ce livre, on est frappé en tout cas devant la lucidité de ce dernier et sa force de caractère, preuve que les personnages d’exception existent bel et bien. C’est un des mérites de cet ouvrage de le montrer.

Sylvain Bonnet

Éric Branca, L’Aigle et le Léopard, Perrin, mars 2023, 432 pages, 23,50 euros

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