Richard Malka, Passion antisémite
Passion antisémite est la plaidoirie de l’avocat Richard Malka pour défendre son client, Raphaël Enthoven, attaque par le parti politique LFI à la suite d’un message jugé insultant. La portée de cette affaire dépasse très largement le cadre du tweet…

Une plaidoirie exemplaire
Richard Malka a défendu, le 23 le philosophe Raphaël Enthoven du fait de ce message : « La France insoumise est un mouvement détestable, violent, complotante, passionnément antisémite […]. » Difficile de faire moins clair. C’est sur le fondement de ce tweet que LFI s’est senti fonder à demander réparation et condamnation.
Alors Richard Malka décide de montrer que cette mise en cause est un non-sens, pour plusieurs raisons.
La première stipule que Raphaël Enthoven n’est que la dernière personne, après tant d’autres, à caractériser LFI d’antisémite. Des intellectuels, des organes de presse, des personnalités politiques (ministres et Président de la République… ), ont signalé avant le philosophe cette constance. Alors pourquoi attaquer Enthoven seul et pas tous les autres ? Première ineptie.
Ensuite, Malka renvoie chacun des mots d’Enthoven qui ont choqué le LFI… à ses propos pratiques. Fort d’innombrables exemples et d’un dossier de 100 « pièces du dossier », l’idée est de reprocher à LFI d’avoir d’une certaine manière (violence verbale, stigmatisation, etc.) et de ne pas accepter de recevoir à son tour autant de coup qu’elle donne. Il en appelle à la cohérence intellectuelle.
L’antisémitisme de gauche
Ils ont libéré l’expression de l’antisémitisme et on n’aurait pas le droit d’en faire état ? Ils en rajoutent encore et encore et ne pourrait s’en émouvoir ? / Leur antisémitisme est une passion. Au sens pathologique du terme. Cela n’a plus rien de raisonnable, c’est hystérique, violent, compulsif. C’est une passion au sens philosophique aussi, c’est- à-dire une pulsion primitive, instinctive. Ils ne réfléchissent plus de manière raisonnée et ne peuvent s’empêcher de diffuser des caricatures de juifs ou de parler de diaspora. C’est devenu plus fort qu’eux. Ça les possède. Raphaël Enthoven a eu mille fois raison d’employer ce terme de « passionnément ». Ce n’est peut-être pas l’adverbe le plus habituel mais c’est le plus juste. / Ce n’est pas injurieux, c’est analytique. Les juifs ont peur et c’est de LFI qu’ils ont peur.
La fin de la plaidoirie est un long exposé historique et philosophique pour rappeler les origines d’une certaine gauche antisémite. Et de confronter LFI, et son maître à penser Jean-Luc Mélenchon, avec cette radicalité. La démonstration est imparable, et rappelle également le talent du tribun pour fleureter avec la limite légale et toute occasion, quitte à envoyer au casse-pipe des petites-mains moins finaudes et qui iront jusqu’à l’insulte publique, les coups, les crimes. Mais quand on, lui demande ce qu’il pense de tel acte, à part mettre en cause un système qui tente de créer des contre-feux pour empêcher LFI d’arriver au pouvoir… La double question que pose Richard Malka est la suivante, d’une incroyable limpidité, est la suivante : pourquoi refuser aux autres ce que LFI s’accorde et, si on cède à la pression judiciaire de cette mise en cause, pourquoi transformer la Liberté d’expression au seul profit de ce parti politique ?
Richard Malka dresse, à l’occasion, le portrait d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est renié pour atteindre à une nouvelle clientèle politique. Jusqu’alors humaniste, il est devenu un homme violent, arrogant, méprisant, et cette exposé est appuyé sur de nombreux témoignages et enquêtes. Malka ose le rapprochement entre, d’un côté Jean-Luc Mélenchon et, de l’autre, Jean-Marie Le Pen, Dieudonné, Alain Soral…
Passion antisémite est un manifeste important pour la liberté de penser, de s’exprimer, et de médire de ceux qui veulent propager une certaine forme de mal, par calcul électoral, renvoyant d’un côté les juifs éternels et, de l’autre, les français. Les conclusions n’engagent pas uniquement Richard Malka, puisque la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris lui a donné raison et a intégralement débouté LFI de sa demande. À compter d’aujourd’hui LFI est donc reconnu, ipso facto, comme un parti politique qui laisse s’exprimer un certain antisémitisme. La question se pose donc : l’antisémitisme étant interdit par la Loi, quel est l’avenir judiciaire de LFI ?
Loïc Di Stefano
Richard Malka, Passion antisémite, Grasset, décembre 2025, 140 pages, 17 euros
