Les Écoptimistes, remèdes à l’éco-anxiété. Entretien avec Dorothée Moisan

Dérèglement climatique, fonte des glaciers, crise de la biodiversité… difficile parfois de garder le moral une fois la prise de conscience entamée. Pourtant l’espoir persiste chez les militants, les scientifiques, les politiques et aussi chez les journalistes comme Dorothée Moisan. Dans son livre, Les Écoptimistes, elle dessine le portrait de 12 écologistes immunisés face à la déprime et à l’éco-anxiété : l’humoriste Guillaume Meurice, le jardinier Gilles Clément, la maire Léonore Moncond’Huy, la glaciologue Heïdi Sevestre, l’ingénieur Corentin de Chatelperron, l’écologue Franck Courchamp, la facilitatrice de transition Anne de Béthencourt, l’étudiante Louise Arrivé ou le père de famille Guillermo Fernandez. Cinq femmes et cinq hommes engagés pour l’environnement loin de la gravité et du désespoir, pour garder de la joie dans la lutte.

Entretien

Comment s’est passée votre prise de conscience écologique et le début de votre éco-anxiété ?

Ma prise de conscience écologique vient d’un 60 millions de consommateurs. Je suis journaliste donc j’allais parfois le samedi voir les revues du kiosque en bas de chez moi. J’ai acheté un 60 millions de consommateurs avec sur la couverture des bouteilles de vinaigre et du bicarbonate de soude. En feuilletant le magazine j’ai pris conscience qu’avec tous les produits chimiques qu’il y avait sous mon évier, je pensais nettoyer ma maison mais je polluais mon air intérieur. C’était la première révélation. Je ne m’étais pas posé de questions parce que c’est tellement simple de faire ce que l’industrie attend de nous. J’ai pris conscience que j’étais en train d’empoisonner ma maison et aussi l’environnement. Peu à peu j’ai décliné cette prise de conscience, dans les produits de la salle de bain, dans mon alimentation… J’ai compris qu’il y avait aussi de la chimie dans ce qu’on mange, d’où l’intérêt de l’agriculture biologique. Finalement on remonte jusqu’au climat, la mère des batailles. Je me suis informée, j’ai quitté l’AFP après y avoir travaillé pendant 18 ans et j’ai fait une formation. Pendant un an j’ai vraiment essayé de comprendre ce qu’il se passait, pourquoi et comment changer la situation. L’éco-anxiété, cette détresse face à la destruction de notre habitat, c’est venu de cette formation et de mon enquête sur la pollution plastique. En comprenant qu’il y a des forces qui s’opposent aux changements de nos modes de vie je suis tombée assez profondément dans l’éco-anxiété.

Aujourd’hui vous vous considérez comme écoptimiste ?

Je suis écoptimiste en devenir, j’ai encore du chemin à faire ! Il y a vraiment des jours, sur des évènements, où c’est difficile. Par exemple en ce moment je rénove une maison et pour avoir des aides il faut qu’elle soit moins écologique que ce que j’avais prévu. Si je ne mets pas le bon isolant ou si je mets un poêle à bois au lieu d’une pompe à chaleur… Résultat : je perds 10 000 euros d’aides potentielles. C’est déprimant. L’écoptimisme est là dans le fond puisque j’essaye de me battre, de faire avancer les choses mais il y a toujours des moments où mon moral baisse. Maintenant, j’ai compris les mécanismes pour pouvoir me dire qu’il faut continuer à vivre, à se battre et à garder le sourire. Je suis dans une dynamique écoptimiste, c’est l’essentiel.

Comment avez-vous choisis vos écoptimistes ?

Pour moi, écoptimiste, c’est vraiment quelqu’un qui arrive à retrouver une certaine légèreté. Je voulais que ces portraits soit inspirant donc il fallait des gens qui arrivent à retrouver cette joie, cette insouciance pour que ça soit communicatif. C’est ce qui a été compliqué. J’ai approché un militant pour le climat, une personne super, joyeuse dans le combat mais qui, par ailleurs,  avait du mal à quitter une forme de gravité. Cette personne est super, mais est-ce qu’elle va réussir à emmener les gens ? C’était un point essentiel.

J’ai regardé autour de moi, je voulais autant de femmes que d’hommes, des gens de certaines catégories, scientifique, politique, humoriste, militant… Ça a été des rencontres, par hasard et en cherchant. Pour moi les écoptimistes ont tous un jour été anxieux, sauf peut-être Guillaume Meurice !

On parle beaucoup de Guillaume Meurice en ce moment, qu’est-ce qui a fait qu’il représentait bien les écoptimistes selon vous ?

Guillaume donne tout son argent à des associations. Il n’est pas là pour lui, il est là pour les autres. Si je devais le qualifier en un mot ça serait « humain ». Avec ses chroniques on a l’impression qu’il se moque des gens mais en réalité il pointe du doigt les mécanismes qu’ils mettent en place pour se mentir à eux-mêmes. Moi je ne connaissais pas Guillaume Meurice personnellement et j’avais une image de loin seulement. C’est quelqu’un d’extrêmement écolo, dans la lutte pour l’écologie et plus largement sur le social. Écrire ce livre m’a permis de découvrir des gens. Guillaume je n’étais pas sûre, mais il m’a suffit d’un coup de téléphone pour savoir que c’était un écoptimiste.

Propos recueillis par Salomé Di Stefano

Dorothée Moisan, Les Écoptimistes, Points, avril 2024, 176 pages, 8,90 euros

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