Argent noir, les vérités de Lew Archer
Ross Macdonald (1915-1983) s’appelait en réalité Kenneth Millar et a publié des romans noirs mettant en scène le célèbre détective Lew Archer, apparu dans Cible mouvante en 1949. Au début pastiche du Philip Marlowe de Chandler, Archer, incarné à l’écran par Paul Newman dans Détective privé et La toile d’araignée, évolue petit à petit. Avec lui, on pénètre dans l’intimité des familles, sans volonté de juger, avec une bonne dose de psychologie. Argent noir, réédité avec une nouvelle traduction par les éditions Gallmeister et publié récemment dans la collection de poche « Totem », est un bon exemple comme on va le voir de la démarche de Macdonald.
Des mensonges pour une femme
« Cela faisait des années que j’entendais parler du Tennis Club, mais je n’y étais jamais entré. Ses courts et ses bungalows, sa piscine, ses cabines et ses pavillons étaient disposés autour d’une crique sur le Pacifique à quelques kilomètres au sud de la frontière du comté de Los Angeles. Le simple fait de garer ma Ford sur le parking goudronné à côté des courts de tennis me donnait l’impression d’être un moins grand raté de la haute société. »
Lew Archer est recruté par Peter Jamieson pour enquêter sur celui qui a épousé Ginny, son grand amour : un certain Francis Martel. Ce dernier se dit français, en exil parce que persécuté par le général de Gaulle. Mais plus Archer enquête, plus il comprend qu’il a affaire à quelqu’un d’autre, un émigré panaméen qui s’est donné une nouvelle identité pour séduire Ginny. Et beaucoup tournent autour de cette dernière : Peter Jamieson donc mais aussi un gangster, un professeur d’université. Archer découvre que la jeune femme a perdu son père dans des circonstances troubles et voilà sa mère qui se fait assassiner!
Archer croit à un moment que son enquête va impliquer le crime organisé. La vérité sera plus noire, l’innocence des jeunes femmes, il le sait, ne vaut pas grand-chose pour certains hommes…
Méandres psychologiques
Argent noir est un roman labyrinthique où la narration choisit d’avancer via les dialogues menés par Archer. On dirait parfois des interrogatoires, parfois aussi des séances chez un psychanalyste ou un psychiatre. Archer est un détective de l’humain, toujours en alerte sur ce qu’on lui confie, souvent intrusif mais toujours à la recherche du « juste » à travers la complexité des vies. On est loin de Mickey Spillane et son Mike Hammer ! Argent noir se laisse (re)lire avec beaucoup de plaisir et un peu de tristesse sur la fin. Humain, trop humain !
Sylvain Bonnet
Ross Macdonald, Argent noir, traduit par Jacques Mailhos, Gallmeister « Totem », mars 2024, 336 pages, 10,50 euros