Marie-Adélaïde de Savoie, une princesse oubliée

On a connu ici l’historienne Elisabetta Lurgo grâce à des biographies consacrées à Philippe d’Orléans, dit Monsieur et frère de Louis XIV (Perrin, 2018) et sa fille Marie-Louise d’Orléans, la princesse oubliée (Perrin, 2021), cette dernière épouse du roi d’Espagne Charles II. Elle s’intéresse ici à Marie-Adélaïde de Savoie, autre princesse un peu oubliée et qui pourtant fut en son temps beaucoup célébrée.

La dernière joie de Louis XIV

Marie-Adélaïde est la fille du duc de Savoie Victor-Amédée et d’Anne-Marie d’Orléans, fille de Philippe, frère du roi. Elle grandit à la cour de Turin, capitale d’un état tantôt allié à la France tantôt allié à l’Empire selon ses intérêts du moment. On décide très tôt qu’elle sera destinée au duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, sans évidemment la consulter. Parfaitement francophone, comme l’était la cour du duc de Savoie (un livre est à écrire sur cette famille), Elle part donc pour la France où elle est très bien accueillie. N’est-elle pas après tout la petite-fille de Monsieur qui très vite se prend d’affection pour elle ? En fait, Marie-Adélaïde sait se faire aimer par ses espiègleries, son humour, son esprit comme on disait. Et madame de Maintenon la prend sous sa férule. Cette dernière a très bien vu comment Louis XIV adorait sa petite-fille par alliance…

Une princesse très intelligente

Espiègle, elle l’est… mais elle sait aussi calculer. Marié à un homme qu’elle n’aime pas, elle finit par prendre constamment sa défense et le bon duc de Bourgogne, dévot et mauvais capitaine, en a bien besoin. Elle peut compter sur les sentiments de son mari pour tenir son rang face à une cour où tout tourne autour de Louis XIV. Face à la guerre de succession d’Espagne, aux défaites, des partis (on dit plutôt « cabales » à l’époque) se forment et se défont et la princesse en fait partie, sans trop abîmer son image (surtout qu’elle est la fille du machiavélique duc de Savoie qui a changé de camp…). Marie-Adélaïde remplit en tout son devoir et donne naissance à des fils, dont le futur Louis XV, sans qu’elle ne témoigne de beaucoup d’affection à leur égard. Elle meurt à vingt-six ans, au moment où la France se prépare à sortir de la guerre. Madame de Maintenon, qui voyait en elle une de ses créatures, sera très surprise en lisant après sa mort ses papiers de voir combien la princesse jugeait pesante sa tutelle…

Elle n’était pas une poupée mais une princesse.

Sylvain Bonnet

Elisabetta Lurgo, Marie-Adélaïde de Savoie, Perrin, février 2024, 432 pages, 24 euros

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