Le tiers temps, Samuel Beckett par Maylis Besserie
Né en Irlande, Samuel Beckett est mort en France où il a vécu la plus grande partie de sa vie. Ecrivain et surtout dramaturge, il a reçu le Prix Nobel pour l’originalité, voire l’étrangeté, de son théâtre. Sa haute silhouette, la minceur de son beau visage, l’acuité de son regard, ont fait de lui un authentique « personnage » du monde des lettres, dont l’œuvre est traduite, étudiée, commentée, dans le monde entier.
Maylis Besserie, productrice de radio à Paris, a eu l’idée d’imaginer ce que furent les dernières années du grand homme, au sein d’une maison de retraite baptisée Le tiers temps, dans le XIVe arrondissement de la capitale. D’où le titre de son livre Le Tiers temps, à la fois espace et durée, celle du troisième âge, du dernier tiers de la vie.
Le roman de Beckett
Mais il ne s’agit pas d’une énième biographie de Beckett, ni de dévoiler ce que fut la déchéance de la vieillesse ; il s’agit d’un roman, avec tout ce que cela veut dire de fiction, d’imaginaire, d’invention. Maylis Besserie fait vivre son héros dans les quatre murs d’une chambre, mais aussi entre les mains des médecins, des kinés, des psy, des infirmières, qui s’occupent de lui, et de plus en plus, car il est de plus en plus vieux.
Au début, Beckett se promène dans Paris, voit des gens, s’amuse de certains souvenirs, revoit sa vie ; puis, dans le troisième tiers temps, son état s’aggrave, une sorte de rêve remplace la réalité, qui se transforme en délire, et mêle l’absurde et le surréalisme. Ainsi, l’écrivain rejoint son œuvre, ou plutôt les personnages de son œuvre.
Maylis a bien réussi son coup, car jamais, elle ne se confond avec son héros. Elle écrit en phrases courtes, en formules lapidaires : sujet-verbe-complément, quelques mots solitaires, et c’est tout. On dirait du Beckett, dira-t-on. Eh bien non, pas du tout. Loin de toute espèce de plagiat et d’imitation, Maylis Besserie n’écrit pas à la manière de Beckett. C’est avec son style à elle qu’elle approche le mieux cet écrivain, qu’elle admire, forcément, mais qu’elle n’ose pas plagier. C’est en cela que le roman est crédible.
Bien sûr, il y a quelques longueurs, surtout dans la dernière partie. Il est à croire que c’est volontaire : une lente agonie dure toujours trop longtemps. D’une certaine manière la forme épouse le fond. A cela près, le bouquin est séduisant, fait naître des sourires, de l’émotion, de l’intérêt, du moins pour qui aime et connait Beckett, qui revit ici sous les traits absolument conformes à ceux des héros de son théâtre, invraisemblables et fascinants.
Pour un premier livre, chapeau !
Didier Ters
Maylis Besserie, Le Tiers temps, Gallimard, février 2020, 180 pages, 18 eur