L’hôtel de verre, un polar comme un voyage au bout de la vie

Un auteur entre polar et SF

Canadienne, Emily St. John Mandel, après avoir publié des polars (Dernière nuit à Montréal, On ne joue pas avec la mort) a remporté un grand succès public avec Station Eleven, où elle décrivait la survie d’un petit groupe d’hommes et de femmes dans un monde post apocalyptique, né après une épidémie meurtrière de grippe (tiens, tiens…). Station Eleven, paru aux éditions Rivages en 2016, a ainsi remporté le prix Arthur C. Clarke en 2015. Elle revient cette année avec L’Hôtel de verre, une fiction étrange et hypnotique, ancrée dans un passé récent.  

Des vies entrecroisées

2018. Une femme tombe dans l’océan et se souvient :

Et si vous avaliez du verre brisé ? Une phrase griffonnée au marqueur à acide sur la baie vitrée de l’hôtel Caiette, côté est, avec des traînées de blanc dégoulinant de plusieurs lettres. « Qui a bien pu écrire une chose pareille ? » Le seul client à avoir vu cette déprédation, un cadre supérieur insomniaque qui travaillait dans le transport maritime et était arrivé la veille, trônait dans l’un des fauteuils en cuir, buvant un whisky que le manager de nuit lui avait apporté. Il était un peu plus de deux heures du matin. 

Voilà ce que les clients et le personnel de cet hôtel découvrent un matin. Parmi eux, la jeune Vincent, barmaid, et son demi-frère Paul. Très vite, on découvre que c’est Paul le responsable. Incapable d’expliquer son geste, il est licencié au moment où arrive le milliardaire américain Jonathan Alkaitis. Ce dernier séduit Vincent et en fait sa compagne. Il persuade aussi Leon Prevant d’investir dans son fonds d’investissement.

Quelques années plus tard, Vincent vit luxueusement à New York et apprend que son frère Paul est devenu un compositeur reconnu. Elle va à un de ses concerts et découvre que son demi-frère a récupéré comme fond visuel de ses spectacles des vidéos qu’elle a tourné. Un vol donc. Meurtrie, Vincent erre dans la ville avant que Jonathan l’appelle et lui demande de passer à son bureau : il lui annonce qu’il va être arrêté pour escroquerie. La vie de Vincent et de beaucoup d’autres basculent  

Un roman foisonnant et déroutant

L’Hôtel de verre déroute de prime abord le lecteur, balloté entre les différentes époques évoquées (fin des années 90, 2008, 2018, 2029) et les personnages. L’intrigue est clairement inspirée de l’affaire Madoff qui eut le mérite de dévoiler la corruption du système financier états-unien… pour rien car tout continue comme avant. L’originalité ici est l’ambiance créée par l’auteure, mélange de fantastique quasi-onirique et de critique sociale. On est séduit par ces personnages, Vincent au premier chef, qui essaient de vivre une vie dont les ressorts leur échappent complètement (on en est tous là).

On est petit à petit immergé dans L’Hôtel de verre, qu’on referme en ressentant un profond malaise. Un signe de réussite ? À découvrir en tout cas

Sylvain Bonnet

Emily St. John Mandel, L’Hôtel de verre, traduit de l’anglais par Gérard De Cherge, Rivages, mars 2021, 400 pages, 22 eur

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