Panique générale, le retour d’Ellroy à son meilleur niveau

Un maître du roman noir dont on attend tout

James Ellroy, l’auteur culte de Lune Sanglante, du Grand Nulle Part, d’American Tabloïd et de Perfidia, a-t-il encore quelque chose à prouver ? On doit avouer ici avoir été un peu déçu de La Tempête qui vient, où il donnait l’impression de se répéter ? Ellroy, le Mad dog, n’aurait-il plus rien à dire ? Panique générale contient les confessions de Freddy Otash, maître chanteur qui a réellement existé et dont les premiers chapitres avaient été publiés dans le recueil Extorsion. Et pour quel résultat ?

Sortir du Purgatoire

Vingt-huit ans que je croupis dans ce trou à rats. Aujourd’hui, on m’annonce que si je me triture la tête pour me remémorer mes mésaventures, et que j’en tire un récit, je gagnerais mon bon de sortie.

Otash, pour payer ses crimes passés, est au purgatoire. Il faut dire qu’il en pas mal fait : chantage, proxénétisme, indic, ex-flic, sans compter les violences les plus diverses. Alors il accepte de se raconter, de passer à confesse. Et il y a de quoi dire !!

Me voici, carrément canon en 49. Baraqué, beau mec, sauteur de sublimes salopes, par trois.

Otash commence comme flic, puis est viré pour une sombre histoire. Il devient un homme de l’entre-deux, profitant à fond des petits travers des vedettes. Arranger un avortement pour Lana Turner ? Appelez Freddy. De sublimes starlettes (ou call-girls) pour le sénateur J. F. Kennedy « Appelez-moi Jack » ? Freddy s’en charge. Son boulot, c’est aussi espionner, piéger les stars, mettre des micros, écouter. Il a, parmi ses aides, un certain James Dean pour qui il se prend d’affection. Il aime bien aussi Rock Hudson, amateur de mecs, pour qui il arrange bien des choses dont son mariage avec Phyllis. Mais Freddy a aussi une grosse tendance à s’amouracher de femmes à problèmes. Et il veut les aider…  Quand James Dean devient une vedette et s’engage dans le tournage de La fureur de vivre, bien des choses vont se dégrader pour Freddy Otash.

Jimbo en a encore dans le coffre

Bonne nouvelle, Panique générale est un superbe roman noir. On y voit défiler le tout Hollywood, ses turpitudes, ses mensonges, ses pièges. Et Ellroy se lâche pas mal, nous donnant aussi des passages électrisants. Il s’est visiblement bien documenté, par exemple sur Rock Hudson (le premier amour de ma mère) ou James Dean. Le roman attaque pas mal Nick Ray (un réalisateur talentueux) et qualifie la sublime Natalie Wood de lesbienne (pourtant…). Ellroy mélange la réalité, les ragots et son imagination, mais quelle verve, quel talent, quel vision quand on connaît les turpitudes d’Hollywood. Au fond, c’est un puritain et, comme John Milton, sa lecture nous est nécessaire pour supporter ce monde infect.

Lisez Panique générale !

Sylvain Bonnet

James Ellroy, Panique générale, traduit de l’anglais par Sophie Aslanides, Rivages, 2022, pages, 23 euros

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