Giono, furioso, une biographie

Emmanuelle Lambert aime Giono furieusement, d’où le titre de son livre : Giono, furioso. Un titre plaisant, et satisfaisant à double… titre. 1 il est original, 2 il exprime parfaitement le thème du bouquin, qui est : Jean Giono,  sa vie, son œuvre. 

un voyage au pays de Giono

Mais loin d’être une biographie minutieuse, voire ennuyeuse, c’est au contraire un voyage au pays de Giono qui pose sur l’écrivain, ses amours, ses déceptions, ses romans, un regard tout à fait personnel. Regard qui a valu à l’auteur le Prix Fémina Essai en 2019. 

D’abord, un mot sur cette fureur. Emmanuelle Lambert écrit : « Giono explique qu’il y a une fureur de la générosité, qu’elle revient à une forme de la prédation de l’autre, toujours plus recouvert par les bienfaits qu’on lui dispense ». Et vlan ! Voilà au moins une analyse singulière. 

Singulier aussi est le personnage, comme le sont tous ceux de ses livres. « Nous sommes en 1943 [écrit-elle]. Giono s’irrite. Les Juifs ne l’intéressent pas. Il n’éprouve pas la moindre compassion à leur égard. Il est coupable d’indifférence à la tragédie en cours ». Et pourtant ce même homme cache des Juifs pendant l’Occupation, notamment Lou Ernst, ancienne femme du peintre Max Ernst. Et c’est cet homme qui fut arrêté en 1944 pour avoir publié des textes dans un journal pétainiste…  après avoir été emprisonné en 1939 comme militant pacifiste !

un amour de la Nature et une foi en l’homme

Giono a beau avoir additionné les ambigüités et les ennuis, son œuvre affiche un amour de la Nature, et une foi en l’homme, qui ne se dément jamais, depuis Colline et Regain, jusqu’à Angelo et Ennemonde. Il suffit de rappeler quelques uns de ses meilleurs titres, Le Chant du monde, Que ma joie demeure, Triomphe de la vie, pour voir s’inscrire dans le ciel ce Serpent d’étoiles qu’il affectionnait. Toute son œuvre est sculptée d’une pâte pétrie avec l’amour de l’homme et de la vie. 

Emmanuelle Lambert insiste, bien à propos, sur la personnalité du père, qui eut une influence déterminante sur l’écrivain ; et puise dans Jean le Bleu mille détails ou anecdotes, propres à nous renseigner sur sa complexe figure. Giono est un bon vivant qui aime ses femmes autant que ses filles, déteste la guerre, et se laisse guider par ce lyrisme campagnard qui fait son génie, où le sentiment le plus subtile partage la vedette avec l’amour le plus charnel. 

Au final, Emmanuelle Lambert s’étourdit de son admiration pour l’homme qu’elle tient pour une des plus grands écrivains du vingtième siècle. Après ces pages vibrantes et convaincantes, difficile de ne pas aller se (re)plonger dans Un de Baumugnes ou Le Grand troupeau….

Didier Ters

Emmanuelle Lambert, Giono, furioso, Stock, décembre 2019, 220 pages, 18,50 eur

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