Les Hirondelles de Kaboul : du livre au film

En adaptant les Hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra en film d’animation Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec nous offrent un superbe cadeau !

les hirondelles de Kaboul

Les Hirondelles de Kaboul sortant enfin en vidéo ce mois-ci, l’opportunité était trop belle de revenir sur la magnifique adaptation par Zabou et Eléa Gobbé-Mévellec.

Sélectionné au Festival de Cannes en 2019 dans la catégorie un certain regard, chose rare pour un film d’animation, le film produit par Memento Distribution sortit le 4 septembre de la même année. S’il remporta un succès critique notable, il passa assez inaperçu du public. Pourtant en réussissant à allier beauté des images et dureté du thème, Les Hirondelles de Kaboul est une magnifique réussite. Au terrible message !

Alors, amis boojumiens, après vous avoir déjà parlé ici d’autres duos livres-films Alita/Gunm, L’âge de Cristal ou Terre Errante, explorons ensemble cette bouversante histoire.

Kaboul, antichambre de l’enfer

Été 1998. La capitale afghane est tombée. En effet, les intégristes talibans font régner la terreur aveugle d’une charia jusqu’au-boutiste. Où même les plus rigides des anciens combattants des guerres soviétiques comme Atiq, étouffent sous le joug inhumain des fous de dieu. Bon an mal an, geôlier de la prison pour femmes de la ville, il surnage au milieu du malheur. Croit-il.

Puis il y a eu cette déferlante russe. Avec son armada de fin du monde et son gigantisme conquérant. Le ciel afghan où se tissaient les plus belles idylles de la terre se couvrit soudain de rapaces blindés. Sa limpidité azurée fut zébrée de traînées de poudre. Et les hirondelles effarouchées se dispersèrent dans le ballet des missiles. La guerre était là. Elle venait de se trouver une patrie.

Jusqu’au jour où son destin croise celui de Zunaira. Magnifique jeune femme libre qui voulait résister à la folie ambiante. Hélas, en croyant aider son mari Mohsen, beau et jeune intellectuel déboussolé, elle va, littéralement, le pousser à bout. Enclencher l’irrémédiable chute. Car en voulant le réveiller devant l’ignominie de sa vie, cachée sous son tchadri, elle le tue par accident.

Kaboul redemption

Alors Atiq ressuscite. Simplement parce qu’il a croisé le regard de Zunaira. Encagée dans sa cellule. Mais enfin dévoilée. Et aux yeux d’Atiq, il n’y a rien de plus beau au monde que cette femme. Rien ni personne de plus innocent.

les hirondelles de Kaboul

Il décille enfin devant tant de beauté. Crie à l’injustice ! Parce qu’il se révolte face à la cruauté de la sentence. Car elle est condamnée à mort. À être lapidée dans le stade. Coupable d’être femme. Dans un monde d’hommes. Cruels forcément.

Attraction parfaite et principale d’une cérémonie mortifère et abjecte. Acmée symbolique où le ban et l’arrière-ban du régime putride des mollahs convie une populace sidérée, moutonnière mais complice.

Dés lors, Atiq va tenter d’ouvrir son âme et son cœur à une improbable rédemption. À son corps défendant d’abord. Est-il fou ? Amoureux ? Hérétique ? Mais aider de Mussarat, sa femme agonisante et aimante, la première à comprendre sa métamorphose, il ouvre une ultime porte…

Qui sauvera qui ?

Film d’Animation, film avec une âme

Autant dire que ce film est bouleversant. De bout en bout. Le travail en aquarelles de Eléa Gobbé-Mévellec que l’on avait déjà admiré sur Le chat du Rabbin et Ernest et Célestine, donne au film une texture paradoxalement délicate. Exacerbant la fragilité des derniers soubresauts de tendresse et d’humanité dans un monde d’oppression et de bassesse.

Les hirondelles de Kaboul

Servi par des dialogues ciselés d’après le texte somptueux et scrupuleusement respecté de Yasmina Khadra, les personnages font mouche à tous coups. Même les plus obscures. Comme Nazish le vieillard qui promet de partir sans cesse sans se décider jamais. Ou le professeur Arash (Michel Jonasz lui prête sa voix) dernier résistant d’une culture savante qui a recruté Mohsen dans son réseau d’écoles clandestines. Enfin Qassim, l’ami Taliban d’Atiq, attentionné pour son ancien camarade d’enfance et de combat. Mais soupçonneux aussi. Implacablement converti au pire.

Surtout, l’alchimie entre la musique d’Alexis Rault et les images d’Eléa, magnifie l’ensemble en un contrepoint unique.

Transformer l’indicible et l’horreur, en message d’espoir.

Les Hirondelles de Kaboul reviennent toujours…?

Les hirondelles de Kaboul

Car là n’est pas le moindre paradoxe du film. En effet le livre de Yasmina Khadra est d’une noirceur sans fond : irrémédiable est la folie, inutile la rédemption !

Car la fin et quelques variantes dans le film (la résistance par l’école est inexistante dans le livre), font entrevoir aux spectateurs une lueur dans l’obscurité. La survie, la rédemption sont possible. En toute prison, en tout geôlier, il y a une issue. L’esprit, LE cœur sont des clefs puissantes pour échapper au pire de l’Homme. Car toute libération commence par soi-même.

Nous DEVONS soulever les voiles. Nous POUVONS sauver les âmes.

Révérence Mesdames et chapeau bas Messieurs.

C’était une lueur, j’ai soufflé dessus un peu fort pour en faire une torche et je l’ai éteinte. Plus rien ne me retient. J’ai hâte de m’en aller.

Marc-Olivier Amblard

Les Hirondelles de Kaboul, Film d’animation de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec, Memento Films Distribution, 81 mn, sortie cinéma 4 septembre 2019, 14,99 eur en DVD.

Les Hirondelles de Kaboul, Yasmina Khadra, Pocket, réédition novembre 2019, 7 eur

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