Des hommes d’honneur, un monde oublié de l’Ancien Régime

Versailles, Napoléon et l’honneur 

Conservateur des bibliothèques de Versailles, Vincent Haegle s’est fait connaître en publiant la correspondance intégrale de Napoléon et Joseph Bonaparte (Tallandier, 2007). On lui doit aussi une étude les concernant en 2010 qui reçut le prix Premier-Empire. On lui doit aussi une biographie de Murat (Perrin, 2015) et Napoléon et les siens : un système de famille (Perrin, 2018). Pour les éditions Passés composés, il a écrit Des hommes d’honneur, qui se veut une immersion dans la société d’Ancien Régime à travers une valeur et l’idée qu’on s’en fait : l’honneur bien sûr. 

Trois hommes, trois itinéraires 

Quoi de plus rébarbatif au premier abord que cette société d’Ancien Régime qu’on ne comprend plus ou qu’on ne sait plus comprendre ? A la bibliothèque de Compiègne, Vincent Haegle a mis la main sur des archives, celles de trois personnages a priori peu connus.

D’abord nous avons le marquis de Gouy, un ancien officier qui a fait la guerre de succession d’Autriche, qui entreprend une procédure contre sa voisine, la marquise de Gamaches, pour exiger des redevances sur de petits arpents de terre.

Ensuite, nous faisons la connaissance d’Armand Nogaret, un commis de la maison du Roi, qui « s’arrange » toujours pour tirer son épingle du jeu (qu’il connait bien), pour son compte et celui de son ami Antoine Lebel.

Et puis il y a l’histoire du jeune roturier Etienne de Jouy. Il appartient à la jeunesse dorée, élevée dans le culte de Rousseau (celui de l’Emile) et effraie sa famille par son genre de vie dissipé et dispendieux. Le voici enrôlé (un peu) de force dans un régiment étranger, celui de Luxembourg, envoyé pour le compte de la compagnie des Indes néerlandaises sur l’île de Ceylan. Ah l’aventure… Il y défendra son honneur et devra quitter l’île avec pertes et fracas. 

La sensibilité d’une époque évanouie 

Derrière les chicanes du marquis de Gouy, les intrigues financières de Nogaret et Lebel, les aventures exotiques de Jouy, se dévoile l’esprit d’une époque, toute à la fois légère et grave, travaillée par des valeurs parfois contradictoires. L’histoire du marquis de Gouy étonne par la constance de l’aristocrate à revendiquer ses droits au nom de son honneur : on retrouve cette même valeur quand Lebel se croit trahi par Nogaret et lorsque Jouy se porte au secours de sa maîtresse indienne promise à un autre lors d’une cérémonie bouddhiste : on est alors au bord d’un incident diplomatique qui pousse Jouy l’aventurier à quitter le régiment et Ceylan pour l’Inde continentale. Il en tirera une réputation qui aidera sa carrière de littérateur. De l’art d’être à la fois léger (les femmes) et grave (l’honneur !).

Cet ouvrage de Vincent Haegle est parfois aride. Il réussit cependant à nous donner une image saisissante de la France d’avant 1789, de ses contradictions, de ses mutations aussi.

Que ne fait-on au nom de l’honneur ! La marque distinctive, jusqu’il y a peu, des français…  

Sylvain Bonnet 

Vincent Haegle, Des hommes d’honneur, Passés composés, septembre 2019, 352 pages, 23 eur

Laisser un commentaire