Enfance, Manon la femme du XVIIIe siècle

Une héroïne tombée dans l’oubli ?

Dans notre belle époque progressiste et féministe, qui connaît Manon Roland ? Elle fut une des égéries de la Révolution, épouse de Roland, savant et ministre et membre des Girondins avec qui elle eut une fille. Manon Roland animait un salon où elle affichait ses positions républicaines. Très intelligente, elle était accusée (la Révolution était pleine de misogynes) de manipuler son mari : les jacobins l’envoyèrent en prison avec les autres Girondins et elle fut guillotinée à trente-neuf ans le 8 novembre 1793. Enfermée, Manon Roland écrivit beaucoup dont des Mémoires qu’elle fit passer à des amis (la surveillance policière connaissait alors quelques moments de faiblesse) qui eurent un grand succès au siècle suivant à l’époque romantique. Enfance raconte justement son enfance et, soyons clairs, constitue un témoignage remarquable.

Être femme au XVIIIe siècle

Manon Phlipon grandit au cœur du beau XVIIIe siècle dans une famille qu’on peut qualifier de bourgeoise. Elle est une enfant vive, intelligente qui apprend à lire très tôt. Elle subit bien sûr l’influence de la religion catholique (qu’elle rejettera plus tard) mais c’est sa mère qui est, on le devine vite un des personnages majeurs de sa vie qui débute :

« La sagesse et la bonté de ma mère lui eurent bientôt acquis, sur mon caractère doux et tendre, l’ascendant dont elle n’usa jamais que pour mon bien. »

La langue et la sensibilité de la future Manon Roland l’apparentent à Rousseau, celui des rêveries du promeneur solitaire et annoncent le romantisme. Manon Roland parle de tout, y compris d’une agression sexuelle (c’est ainsi qu’elle serait aujourd’hui qualifiée pénalement) lorsqu’un jeune homme lui fait « toucher » son sexe en érection, puis l’agrippe. Ce sont des scènes qui peuvent choquer aujourd’hui mais notre écrivaine (terme actuel) ne semble pas y attacher une importance excessive. Ça a eu lieu, voilà tout. Son regard est clinique alors que sa langue est pleine de sensibilité. L’arrivée de ses règles est racontée de la même manière.

Manon Roland était faite pour écrire, on regrette son exécution.

Sylvain Bonnet

Manon Roland, Enfance, édition établie par Martine Reid, Gallimard Folio, janvier 2022, 144 pages, 2 euros

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