Entretien avec Maximilien Friche « Mes héros sont à droite… peut-être, et pas sûr »

Maximilien Friche est un jeune romancier prometteur. À 47 ans, il a déjà trois romans à son actif. Écrivain plutôt confidentiel, il n’en est pas moins un auteur à remarquer. Son dernier roman, Apôtres d’opérette, il me l’a envoyé, et j’ai pu découvrir une fable tragi-comique, sur la littérature qui voudrait un acte, ou un geste révolutionnaire. Ancien membre de l’équipe éditoriale des éditions du Ring, il a connu Maurice G. Dantec, qui fut lui-même une sorte d’écrivain et d’aventurier des temps modernes, à la croisée de multiples chemins. Ce fut donc l’occasion, dans une entrevue-fleuve, de revoir la littérature sous le jour de l’idéal révolutionnaire, et de se rappeler un Dantec vers la fin de sa vie, alors qu’il accusait son éditeur, et ses correcteurs, dont faisait partie Maximilien Friche, de mauvaises « conseillères de style ».    

Marc Alpozzo : Cher Maximilien, vous avez fait paraître votre troisième roman, après La Prière (Le Manuscrit, 2006), et L’impasse du salut (Sans Escale, 2018), qui s’intitule Apôtres d’opérette (Sans Escale, 2020). Votre roman est une sorte de fable tragique qui tourne en dérision les terroristes défroqués qui entendent changer le monde par des attentats, aussi littéraires soient-ils. Pourquoi ce roman, et pourquoi maintenant ?

Maximilien Friche : Tout simplement parce que c’est mon histoire. Je ressens plus la nécessité d’exploiter le réel, le sonder, le détourner et le recréer que d’inventer. Sans doute parce que je suis plus un sculpteur de phrases qu’un conteur. L’idéal serait bien sûr d’être les deux. J’ai voulu raconter l’histoire réelle de la création du magazine Mauvaise Nouvelle mêlée à son histoire fantasmée. Quand on écrit, il y a un temps au début où on se croit magicien, ou disons le tout de go, démiurge. On sent que tout ce qui nous fréquente peut incorporer un livre, s’y abîmer. Et croire au corolaire n’est pas loin. On se sent capable d’engendrer un monde bien sûr par l’imaginaire, mais aussi de modifier le réel par qui entrera en relation avec ce monde. On voit assez facilement tout écrit comme un virus. Tout écrit est mutagène en fait. Et quand j’ai créé Mauvaise Nouvelle en 2013, j’ai immédiatement commencé mon roman Apôtres d’opérette. C’était concomitant. J’ai imaginé ce projet performant, d’une écriture qui engendre le réel et un réel qui serait le carburant de la narration. J’ai tellement envie de vous dire que tout est vrai dans Apôtres d’opérette, du moins en potentiel. De toutes façons comme il est écrit comme le récit d’une autofiction, comme le roman d’un roman, tout est vrai et c’est tout.

Cher Marc, je me permets tout de même une petite précision, mes apôtres d’opérette ne veulent pas changer le monde, surtout pas d’ailleurs. Ils veulent modifier des êtres, sauver des individus, les faire monter dans l’arche. Le projet de ces apôtres est d’annoncer la mauvaise nouvelle de leur mort au gens, c’est donc un projet métaphysique. Ils sont une réponse au progrès qui nie toute forme de vie intérieure et ils croient que la mort est la clé de tout, ce qui permettra de reverticaliser l’être, de le dépouiller de l’inutile. Changer le monde c’est attendre le grand soir, y croire, c’est penser en humaniste. Ce n’est donc pas du tout leur came. C’est au regard du cosmos qu’ils agissent, leur prétention n’a pas de bornes. Et comme ils croient au tragique, ils vomissent l’idée même du grand soir. Le souci réside bien évidemment dans les moyens utilisés. Écrire des textes métapolitiques, cela reste de l’ordre d’un projet globalement esthétique. Quand ils basculent dans les attentats d’opérette, cela devient grotesque et toutes leurs actions s’abîment dans le trou noir sarcastique de l’actualité moderne, de son buzz permanent. Tout n’est que fausse route, impasse, l’incarnation engendre systématiquement l’humiliation. A croire qu’elle est nécessaire. Enfin quand les attentats suicides surgissent, plus rien ne distingue ceux-là de tous les zozos qui pour une idéologie quelconque partent en fumées et bouillasse de chair. Pourquoi maintenant ? Eh bien parce que j’ai la naïveté de penser que ce roman est universel. Tous les moments auraient été bons, aujourd’hui aussi. Les références qui parsèment le roman et font jouir les amateurs d’actu (nuit debout, plug anal de la place Vendôme, etc.) sont accessoires, en revanche ce qui se trame dans la tête de jeunes gens ayant l’intuition de la nécessité d’une révolution métaphysique avant le déluge pour en sauver un maximum est universel. Cela aura toujours cours par-delà les idéologies du moment. Ce sentiment d’urgence, cet état d’âme, est une forme d’hérésie personnelle, de poche dont l’émergence est toujours purificatrice.

M. A. : On retrouve plusieurs influences dans votre roman, dont Dostoïevski, son roman Les démons, mais vos apôtres d’opérette semblent plus à droite, et plus littéraires que politiques. Ils veulent transformer le monde à coups de vers poétiques, de romans, voire d’excitations métalittéraires. Ils comprennent toutefois à la fin de votre roman, qu’ils sont incapables de changer le monde, car, comme le disait Henry Miller, « Il n’est au monde qu’une seule aventure : la marche vers soi-même en direction du dedans ou de l’espace. » Votre vision du combat politique est essentiellement pessimiste, n’est-ce pas ?

M. F. : Oui bien sûr, je ne crois pas et ne veux pas croire au grand soir. L’humanisme est à vomir évidemment. Comment adorer ses limites à ce point ? Comment avoir la prétention d’engendrer un dieu qui nous sera redevable : le citoyen, l’homme augmenté, la planète ? Le romantisme est intrinsèquement lié à ce désir de lendemains qui chantent, le romantique souffre mais aspire au confort. C’est pour cela que je préfère la tragédie et la farce, intimement liés. Conscient de la dimension tragique de la vie, on aspire au grand rôle et on ne s’incarne que dans le pathétique. Voilà bien le cœur de l’œuvre littéraire d’après les mythes. Tragédie et farce. On ne rit pas de la tragédie, mais de l’homme et c’est la vocation de l’homo sapiens sapiens d’assumer à la fois la tragédie humaine et de rire de soi. Le pessimisme est donc l’état d’esprit de l’homme évolué, de l’honnête homme. Ce qui ne retire rien à la vertu d’espérance : demain sera pire qu’aujourd’hui, mais nous avons déjà gagné. Croyants ou non, notre combat n’est pas de ce monde, mais dans notre être même. Votre citation dit juste. Mes apôtres y adhèrent aussi, le seul souci est l’incarnation. Que faire de son corps, sinon des clowneries ? Cependant refuser le corps n’est pas envisageable. Il faut vivre jusqu’à la lie, son dépôt en terre. C’est parce qu’ils acceptent l’incarnation qu’ils font fausse route et se voient assimilés un temps à ceux qui aspirent bêtement au grand soir.

Mes héros sont à droite… peut-être, et pas sûr. Ils ont un vrai côté anar mystique. Ils ne sont pas de gauche bien sûr puisque la gauche jouant à domicile en République, c’est elle qui mène la danse, qui nous inscrit dans la frise chronologique du progrès sans fin. C’est drôle car je suis né politiquement à gauche, par romantisme, par envie de me trouver beau dans le reflet d’une mer agitée tout en haut d’une falaise, les cheveux aux vents et les yeux surpassant l’horizon et parce que la dialectique est une arme redoutable qui fait jouir celui qui la manie : toutes les définitions nous appartiennent ! On peut imaginer se vautrer à droite pour opposer un mouvement contraire, mais le constat est souvent décevant et caricatural, on se réduit à une pensée militante. La politique est méprisable et pourtant je ne cesse de penser le monde, c’est humiliant. En fait, comme Jean de Viguerie, je pense que notre République est une forme idéologique d’État, que cette idéologie s’appelle la Révolution et que la révolution n’est pas un lieu de la pensée mais un processus infernal condamné à rendre obsolète tout ce qu’elle fut, comme une machine qui s’emballe. La preuve, les réactionnaires d’aujourd’hui sont souvent des modernes d’avant-hier : le féminisme c’était mieux avant, la laïcité c’était moins bête avant, etc. Alors qu’il nous faudrait chercher le vrai lieu de la pensée universelle, le lieu où notre vision de l’homme et de ce qui en découle n’est pas rendue obsolète. Sans doute autour du personnalisme, de la subsidiarité, etc. Mais je ne suis pas un penseur, donc je m’arrête là. Je préfère cultiver mon pessimisme et n’être dupe de rien, d’aucuns combats qui ne sont que leurre. C’est sans doute la raison pour laquelle je suis profondément pacifiste. La seule chose qui mérite de mourir, c’est l’amour ou le désespoir.

Pour finir, j’aimerais compléter la citation évoquée, la faire mienne. Un roman est le lieu de l’incarnation, un livre est un corps. C’est plutôt à la rencontre des autres que je marche et je cherche l’épiphanie partagée, ce moment où la discussion nous amène jusqu’au verre d’après à flirter avec l’éternité. Se relier l’un l’autre est tout de même la chose la plus dure si l’on considère la pauvreté du langage. C’est pour ça que nous avons l’art, c’est pour ça que l’on ne devrait écrire, même mal, qu’en artiste. Et pour terminer sur cette question, j’ose vous avouer que je remue les bras aussi pour plaire à l’invisible, c’est pour le Père que je tente de faire de beaux dessins.

M. A. : Mais votre roman m’a aussi fait penser à Maurice G. Dantec, le regretté père des Racines du mal (Gallimard, 1995), et du Théâtre des opérations (Gallimard, 1999). Il s’avère que vous avez été le correcteur d’un de ses livres, aujourd’hui retiré de la vente sur sa demande, Satellite Sisters, paru aux éditions Ring, en 2012. Vous avez donc eu cet ultime privilège de faire partie de ses « amies conseillères de style », comme il vous appelait avec causticité. Vous avez en partie réécrit, je crois, son texte, qui était illisible. Pouvez-vous nous relater cette expérience, qui a dû forcément marquer votre jeune esprit d’écrivain en devenir ?

M. F. : Maurice Dantec, c’est le patron de notre génération, le dernier écrivain sacrifié et c’est important de le signaler au moment où beaucoup s’organisent en rentier de leur talent. J’écris forcément sous son regard. J’ai eu la chance effectivement de rencontrer l’écrivain et effectivement je fus un des deux relecteurs commis d’office pour Satelitte Sisters. Une drôle d’expérience comme il y a de drôles de guerres. J’en ai fait un texte qui un jour paraitra peut-être dans un ouvrage collectif sur Dantec. La relation a commencé comme ça : « Maximilien, je ne vais pas vous envoyer une armée de Serbes, mais le cœur y est. » 31 décembre 2011, 17h, Maurice au téléphone. Si le propos de Maurice manifestait un agacement paternel à mon encontre, c’est que j’avais commis une note de lecture deux jours plus tôt sur Satellite Sisters et j’avais employé le mot “illisible”. Cash. A l’écrivain que j’admirais, à l’écrivain qui m’avait modifié, à l’écrivain-bibliothèque qui m’avait transmis l’arme du verbe, à celui qui avait livré son Space Opera comme un chant du cygne, j’avais osé dire « illisible ». Cash. J’avais plongé tête la première, j’avais tout misé. Pile ou face. Si Maurice me livra cette phrase virile comme on tape sur la joue du jeune homme impertinent, c’est que nous étions, le deuxième lecteur commis d’office et moi-même, une sorte de dernier espoir… « Comme vous le savez sans doute, vous m’avez été présenté comme les “lecteurs de la dernière chance” et je considère franchement que vous avez été amplement à la hauteur de la tâche. » nous avait-il livré peu avant la sortie du livre. Nous n’avons pas réécrit le livre, pas du tout, nous avons simplement été les lecteurs de Maurice, son gueuloir, son miroir. C’est vrai que c’était un livre OVNI au début. Les innovations stylistiques étaient désarmantes et même si je pouvais comprendre qu’une écriture pop pouvait être la preuve d’une non-dissociation du fond et de la forme, que cette poésie agissait comme une fractale de la narration, il faut bien avouer que mon imaginaire butait. Dans quelle affaire m’étais-je fourré ? A force de toujours dire oui, on finit par toujours regretter… pensais-je. L’objectif de Maurice était d’innover tout en restant dans un registre Pop, et donc écrire son premier véritable Space Opera, il le voulait tendance “New Wave”… L’intention devait être respectée. Et l’objectif du lecteur que j’étais devait être simplement d’aiguiller, ou plus exactement d’aller à la rencontre. Satellite Sisters allait brouiller les pistes et les genres en étant tout à la fois un roman d’aventure, un thriller pop, une épopée de science-fiction, un road-movie enivrant, un polar mental, … Et le lecteur devrait tout recevoir et s’y retrouver. Comment lui faire la courte échelle puisqu’il est impossible d’abaisser le texte ?

La rencontre avec l’écrivain fut d’abord la rencontre avec l’homme revenu de la mort. La mort resterait dans le décor, elle l’avait toujours été. Il sortait d’une épreuve physique. La pudeur m’empêchait de tout savoir. Il disait « mon “flirt” avec la Faucheuse ». Je n’ai jamais aimé connaître la vraie vie des écrivains. J’avais tout lu de lui. Je savais ce que je voulais savoir. Ce livre me fit l’impression d’un bouquet final alors que MgD le plaçait uniquement comme un maillon en Babylone Babies et un Qasar Queens à venir, à programmer. Sa tête était remplie de projets. Il y avait urgence à écrire tout ce qu’il n’avait pas écrit. Il les voyait ses livres non écrits, ils étaient déjà vivants. Cet homme avait donc plein de projets et pourtant… Satellite Sisters a bien pour moi la marque, le sceau du dernier opus, et Les Résidents qui l’a suivi, celui de l’outre-tombe. Satellite Sisters chant du cygne ? Parce qu’il s’agit d’un Space Opera écrit, d’un clip géant, parce que ce roman est le seul véritablement lumineux, de cette lumière que l’on chope quand on a une expérience de mort clinique, parce que chaque personnage féminin du livre, quand il apparait, permet un développement particulier de l’aventure, sa continuation, une étape supplémentaire dans la fuite vers l’infini. Disons-le, la vraie nouveauté portée par Satellite Sisters résidait dans l’Espérance que nous rencontrions à la lecture du roman. Jamais un Dantec n’avait été aussi lumineux.

Comment s’est passée cette collaboration ? MgD fut aussi ce fonctionnaire revendiqué du Verbe. « Un jour j’ai écrit que j’entendais travailler “à l’américaine”. » Il le disait et c’était faux. Il restait ce poète à la puissance visionnaire, il restait ce géant incapable de faire petit, incapable de non-vérité, incapable de livrer un livre sans livrer une bibliothèque. Il le disait et c’était vrai aussi. Nous nous sommes mis à table à trois. Chacun chez soi, reliés dans une boîte mail. Quand nous faisions fonctionner le Vortex (communauté de lecteurs de MgD), nous intimions avec grandiloquence la nécessité de nourrir l’écrivain, de lui apporter matière à écrire, de lui livrer le monde pour qu’il en fasse du futur. Un écrivain vous lit pour écrire. MgD is watching you ! Pour la séance de relecture, nous n’étions plus que trois. Deux au service d’un. Deux individus au service de l’homme dans lequel tous les héros habitaient. Du bleu, du rouge, du vert. Notre pain quotidien était une page, un chapitre de Satellite Sisters. Nous nous guettions mutuellement. Nous allions être des sculpteurs. L’écrivain acceptait de se faire corriger. C’était fou. Maurice nous envoyait le morceau. Je corrigeais en bleu. Les innovations stylistiques en ligne de mire. Comment corriger quelqu’un qui s’efforce que rien ne paraisse calculé tout en faisant en sorte que rien ne paraisse improvisé non plus ? Il y avait bien de quoi craindre l’effet domino. Maurice acceptait nos corrections, faisait une contre-proposition et puis on tombait d’accord. Les 30 premières pages furent reprises et reprises une bonne dizaine de fois. Plaisir de rabâcher ce texte, de l’habiter, de faire corps avec lui. Nous n’avons pas cherché de compromis. Gardons-nous de la vulgarité. Nous avons écrit et lu. Nous avons relu et nous nous sommes reliés. Dantec était revenu de la mort, il avait gagné un combat, il avait donc perdu la guerre. Il savait que chaque victoire n’est qu’un sursis. La mort avait déjà gagné. Depuis le début. Si Dantec revenait de la mort, c‘était pour mieux être conscient qu’il y retournait. Dans Satellite Sisters, les personnages de Babylone Babies reviennent le hanter dans le dernier train sur la lune, comme en rêve, comme pour lui récapituler tous ceux à qui il a donné vie. Les personnages de Dantec viennent lui rendre un dernier hommage sur la lune. C’est la preuve que les livres sont libres. Libres même vis-à-vis de l’auteur. Ils échappent. Satellite Sisters est en soi une vraie leçon de littérature. Satellite Sisters n’est en fait pas vraiment une suite de Babylone Babies, c’est la mise en ébullition du réacteur de l’imagination, de la narration. Et si et si, avec des si on mettrait le cosmos à notre portée. MgD le fait. « Ma solitude d’écrivain est désormais une évidence lumineuse, … Je dois maintenant TUER tous les personnages de mes romans précédents. Full Moon Party. » J’ai eu entre les mains avec Satellite Sisters, le premier texte transfiguré de Maurice. Si j’ai eu du mal à le lire, c’est normal, ce texte m’a engendré en quelque sorte. Lui était dedans, il n’a jamais été un narrateur singeant Dieu, jamais il n’a été démiurgique dans son écriture. Il était dedans. Dans la boîte noire retrouvée cabossée mais quasiment intacte après le crash du Verbe, c’est-à-dire dans Dieu fait cadavre.

Je fus modifié par Dantec, par ses livres. Je n’étais en revanche pas un écrivain en devenir, La prière et L’impasse du salut étaient déjà écrits, même s’ils n’étaient pas publiés, comme d’autres dans mes tiroirs. Ce n’est pas un éditeur qui décide si je suis écrivain ou non. Je l’étais, mais cela n’avait aucune importance. En parfait usurpateur, je faisais ce job fou d’être le lecteur de Dantec. Tout écrivain est un usurpateur.

M. A. : Quelles sont vos influences littéraires ?

M. F. : Enfant, je ne lisais pas, très peu. Je n’y arrivais pas, cela me donnait mal au cœur. Et puis à 14 ans, j’ai lu Les hauts de Hurlevent, cela m’a pris du temps, mais ce fut une révélation. Si c’était ça la littérature, alors je voulais bien y consacrer un peu de temps. Et j’ai continué à lire tout ce qui pouvait me permettre de me projeter dans un personnage d’élection, une tragédie. Peu de choses, j’ai toujours lu très lentement, comme à haute voix. Dans les marquants, notons Le Rouge et le Noir, Le loup des steppes, Le bal du comte d’Orgel,

Et puis un jour, il y a eu la lecture de La nausée de Jean-Paul Sartre, ce fut une révélation. L’intelligence à son sommet qui se débat avec la vie intérieure, incapable de s’en libérer Tout ce combat contre la métaphysique m’a en fait totalement fait prendre conscience de mon dialogue intérieur, je n’en suis jamais sorti. Les trois volumes des chemins de la liberté, lus après m’ont fait l’effet d’une gifle de modernité. Cette capacité à écrire façon nouvelle vague, tableaux après tableaux, à exploser le temps, à laisser le lecteur tisser ce qu’il manque, m’a énormément marqué.

Comme autres influences, il y a eu Dantec bien sûr, vous l’avez deviné, l’écrivain qui m’a modifié, mais on ne va pas y revenir. Et puis plus récemment Andreï Makine et son double Gabriel Osmonde, cet écrivain est d’une très grande puissance. Alternaissance est incandescent.

Et comme il est impossible de lire tous les classiques avant les vivants, je reçois encore des gifles régulièrement. Quand Livr’abitres m’a demandé un papier sur Barbey d’Aurevilly, j’ai lu Un prêtre marié, quelle claque ! Un art narratif jamais égalé à mon avis.

Et pour finir je souhaiterais citer quelques vivants proches, les auteurs que j’aime et notamment ceux que j’édite aux éditions Nouvelle Marge au premier rang desquels Sarah Vajda, et aussi Valéry Molet, Julien Teyssandier, et puis l’excellent Marc Obregon. Chacune de ces rencontres m’a influencé.

Propos recueillis par Marc Alpozzo

Maximilien Friche, Apôtres d’opérette, Sans Escale, décembre 2020, 240 pages, 13 euros

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