Laurence Brunet-Jambu contre la violence faite aux enfants

Laurence Brunet-Jambu retrace dans Signalements le combat qu’elle a mené durant de nombreuses années afin d’arracher sa nièce, Karine Jambu, à ses tortionnaires : des parents qui livraient leur enfant à un pédophile hébergé au domicile familial. Une lutte acharnée, menée sans relâche afin de dénoncer un immense déni de justice. En complément de nos chroniques respectives, nous sommes heureux d’avoir pu rencontrer Laurence Brunet-Jambu, cette femme si forte, et d’abord de prendre des nouvelles de celle qui est désormais sa fille, Karine Jambu.

Entretien

Tout d’abord : comment va Karine ?

Notre fille aujourd’hui va bien, aussi bien qu’on peut aller après ce qu’elle a vécu. En tous les cas elle avance à son rythme, mais son regard est encore tellement perdu de temps en temps…

Signalements est un livre très fort et très difficile. Pourquoi publier ce témoignage maintenant ?

J’ai voulu faire ce livre pour éviter de rester dans le passé. Il faut avancer et j’ai un espoir un peu fou que parfois on peut impulser un changement. Et peut-être ce livre sera-t-il le début d’un premier changement ? Je sais que notre société est gangrénée par l’inceste, les violences sexuelles comme les violences conjugales explosent, et c’est maintenant qu’il faut prendre le virage du bien, du meilleur pour nos enfants sinon nous ne relèverons pas les défis qui nous attendent.

Pensez-vous que vous auriez pu mener votre combat à terme sans votre foi ?

Sans doute pas.

Vous citez les personnes nommément. C’est risqué. Ne craignez-vous pas qu’on vous attaque ? (encore !)

Non, au contraire je l’attends en fait car elles devront répondre et discuter. Tout est à la limite de la diffamation mais sans vraiment en être puisque c’est la vérité ! Et c’est cela que j’ai envie de leur dire :  pourquoi avez-vous permis cela pour elle et pour tous ceux qui sont passés entre vos mains ? Pourquoi ?

Vous attaquez la protection de l’enfance, et maintenant Karine est travailleuse sociale. Qu’avez-vous pensé quand elle vous a informé de son choix ?

Je pense que Karine tente de faire ce que l’on a pas fait pour elle et elle croit à juste titre que peu de choses peuvent changer une vie : une main tendue au bon moment, un sourire, une porte qui s’ouvre… Elle a la volonté de donner ce qu’elle n’a pas reçu.

Dans votre combat, parleriez-vous plus de méchanceté, d’incompétence, ou d’une dilution de la responsabilité dans la société contemporaine ? 

Je pense qu’il y a un peu de tout ça. De l’incompétence certainement : 20% des fonctionnaires ne sont pas à leur place. Malheureusement, quand il s’agit de magistrats, on peut y perdre la vie, ou une partie. Ils sont à tort surprotégés et vivent de façon corporatiste. Idem pour les travailleurs sociaux, il est clair que le manque de formation est criant, que l’investissement est absent. On passe des concours sans conviction et on atterrit pas forcément là où on voulait. Plus de passion, on voit le résultat… Quant à nos politiques, seule la communication est là, le reste est vide, toutes les réformes sont concentrées sur les économies alors que la population augmente et donc les besoins aussi. On marche sur la tête.

Maintenant, vous êtes membre d’une association de protection de l’enfance. Pouvez-vous nous en parler ?

Oui je suis très active ! Bénévole du lundi matin au dimanche soir. Je mène des projets innovants avec le Québec. Je crois qu’on peut vraiment protéger les enfants et lutter contre les violences à condition de le vouloir. Il faut changer les mentalités et dire la vérité aux citoyens, mener une révolution culturelle et intellectuelle pour combattre l’inceste. Nous recevons des dizaines de demandes pour des victimes — des enfants ou des adultes — qui n’ont jamais pu parler et raconter leurs calvaires. Il faut développer la prévention massivement dans les milieux éducatifs, sportifs et familiaux.

Avez-vous d’autres combats à mener ?

Oui, avec Calliope  : accompagner la parole de l’enfant, moderniser le Code pénal et arrêter d’être sur la preuve matérielle pour aller vers la crédibilité de la parole de l’enfant. Une fellation ou une sodomisation ne laisse pas de preuves, il faut accepter de changer cette vision de matérialité et aller comme les Québecois sur la parole de l’enfant .

Pour finaliser mon projet, j’ai besoin de dons. Il nous manque à la fois beaucoup et pas beaucoup, environ 5000 euros. C’est pour cela que j’ai ouvert le site laurencebrunetjambu.com, pour appeler aux dons.

(On pourra également participer au financement du projet Calliope sur le site Hello Asso.)

Propos recueillis par Jen (à suivre sur Instagram books_owl) et Loïc Di Stefano

Laurence Brunet-Jambu et Karine Jambu, Signalements, Ring, octobre 2019, 333 pages, 18 eur

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