Pour le plaisir et pour le pire, le dandy et l’héritière

Biographe à succès

 On a connu Laure Hillerin grâce à sa biographie de La duchesse de Berry (Flammarion, 2010) où elle retraçait le destin de la mère du comte de Chambord, puis avec la comtesse Greffulhe (Flammarion, 2014) qui remporta le prix Céleste Albaret en 2015. Pour le plaisir et pour le pire est une occasion de revenir sur l’histoire d’un mariage, celui d’Anna Gould et de Boni de Castellane, d’une héritière américaine et du rejeton d’une des plus grandes familles de l’aristocratie française (et descendant de Talleyrand par la main gauche), qui se termina par un divorce retentissant qui fit les choux gras de la presse de l’époque.

Un couple improbable

Rarement on a vu il est vrai un couple aussi mal assorti ! Anna Gould est la fille de Jay Gould, un riche homme d’affaires américain. Elle est plutôt laide, fruste et, on le découvrira ensuite, d’un caractère capricieux et égoïste. Boni de Castellane est la quintessence de l’aristocrate français fin de siècle, vrai dandy spirituel et élégant, grand panier percé aussi. Il lui apporte le prestige de son nom et elle sa fortune. Mais Boni la trompe ardemment, y compris avec la femme d’Eugène Schneider, le patron du Creusot. Il est aussi très doué pour dépenser son argent, bâtissant ainsi le palais rose, immense demeure richement décorée dans lequel le maître des lieux organise des fêtes somptueuses. Mais la fête s’arrête, Anna le quitte et réclame le divorce, prenant un des frères de Clemenceau comme avocat. La fin du rêve pour Boni ?

Un emblème de son temps

Laure Hillerin a en tout cas choisi son camp, celui de Boni de Castellane. Elle en fait un portrait plutôt positif, vantant même ses qualités politiques (il aurait ainsi prévu l’échec du traité de Versailles). Soit. On est par contre fasciné par sa vie : il croise ainsi des rois, des empereurs comme Charles d’Autriche et même Marcel Proust. Ce dernier s’inspire de lui pour peindre le personnage du baron de Charlus tel qu’on le voit dans Le Temps retrouvé. Quant à Anna, vacharde, elle épouse le cousin de son ex-mari, Hélie de Talleyrand-Périgord, tout aussi noceur !

D’une lecture très agréable, Pour le plaisir et pour le pire permet de revivre la belle époque et ses aristocrates, un monde enfoui sous les décombres des deux guerres mondiales, à l’instar du fameux palais rose détruit en 1969. 

Sylvain Bonnet

Laure Hillerin, Pour le plaisir et pour le pire, Flammarion, novembre 2019, 576 pages, 24,90 eur

PS : notons que la couverture reprend celle du numéro 101 du magazine Femina, paru le 1er avril 1905. L’article s’intitule : « Le matin au Bois : Comte et comtesse de Castellane ».

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