Lubitsch à Hollywood : un artiste dans le système

Quand l’université française s’intéresse au maître de la comédie

Katalin Pór est maîtresse de conférences HDR en études cinématographiques à l’Université de Lorraine. Ici, elle a choisi de s’intéresser à la figure d’Ernst Lubitsch, un cinéaste assez oublié aujourd’hui. Et c’est injuste : on lui doit plusieurs chefs d’œuvre (Sérénade à trois, Ange, The Shop around the corner ou To be or not to be) dans le genre de la comédie sophistiquée, avec des vedettes comme Gary Cooper, James Stewart ou Carole Lombard. Révéré par des gens aussi différents que Chabrol ou Ophuls, Lubitsch est mort en 1948, trop tôt en fait pour accéder à une reconnaissance critique. Katalin Pór propose de relire son itinéraire sous un angle assez novateur : la place que Lubitsch occupa dans le système de production hollywoodien.

Hollywood avait du bon !

On a souvent dit que Hollywood était un endroit néfaste pour les créateurs, les expériences de Stroheim et surtout de Welles alimentant ce lieu commun de la critique cinéphile européenne. Et il est vrai qu’on rêve parfois de tous les films que Welles (et plus tard Kubrick) auraient pu faire là-bas… L’itinéraire de Lubitsch permet de voir comment certains créateurs s’épanouissaient au sein du système des studios… Au point d’en faire partie.

Car Lubitsch fut aussi un des dirigeants de la Paramount pendant plus d’un an, favorisant le recrutement de certains scénaristes selon son goût et un système de production parcellisé qui lui allait bien. Formé à la UFA en Allemagne, Lubitsch aimait entretenir un système collaboratif, y compris sur le plateau avec une équipe aux tâches bien compartimentées : l’auteur du traitement ne signait pas forcément pas le scénario, des dialoguistes intervenaient, etc… On n’est pas si loin de Ford, dans un tout autre registre. Comme producteur, Lubitsch pouvait être très interventionniste, avec Cukor (One hour with you) ou Borzage (Desire) au point de diriger lui-même des re-takes.

Lubitsch à Hollywood est un ouvrage éclairant sur les méthodes de Lubitsch dont on ne cessera jamais de chanter les louanges, et qui permet aussi de voir comment Hollywood pouvait être un paradis pour certains cinéastes.  

Sylvain Bonnet

Katalin Pór, Lubitsch à Hollywood, préface de, CNRS éditions, juin 2021, 300 pages, 23 eur

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