Saint Benoît, le lettré de la chrétienté
Benoît de Nursie a vécu en Italie aux Ve et VIe siècles, vraisemblablement de 580 à 547, et il le fondateur de l’ordre des Bénédictins. S’il est regardé aujourd’hui comme l’un des hommes les plus importants de l’histoire de la chrétienté, c’est qu’il est le père de ce que les lettrés appellent le monachisme occidental, c’est-à-dire de la vie monastique en Europe, celle des communautés qui vivent dans les couvents, dont il a écrit la fameuse Règle.
Certes Benoît s’est appuyé sur des principes déjà en vigueur dans d’autres communautés de chrétiens d’Orient, mais la mise en forme des usages à observer pour vivre ensemble est bien de son cru. Cette Règle a pu se résumer à deux seuls mots latins, « ora et labora », c’est dire : prie et travaille. Mais Benoît est infiniment plus explicatif dans le détail, et quel que soit la rigidité de ces principes, ils sont toujours en vigueur chez les bénédictins du XXIe siècle.
Benoît fonda de son vivant plussieurs monastères, dont le plus connu est celui du Mont Cassin, en Italie. Sa vie échappe à toute banalité, et son exceptionnel charisme se manifesta par de nombreux miracles, avérés par tous biographes. Parmi eux, le pape Grégoire le Grand, qui fut le premier à rendre hommage au saint homme, et, en bon historien, Odon Hurel puise abondamment dans ses écritures, donnant à la présente biographie, une louable couleur d’authenticité.
Ce livre reste malgré tout ardu et exigeant, fruit d’une longue compilation qui sent la thèse universitaire à plein nez. Mais il a l’immense mérite de se présenter non pas comme une séquence biographique de la naissance à la mort, mais comme une suite de chapitres thématiques. Par exemple : Benoît et ses disciples, Benoît et les miracles, Benoît et les femmes (dont sa sœur Scholastique également sanctifiée), Benoît et les oiseaux (dont un étonnant attachement pour les corbeaux), etc.
D’abord ermite et pénitent, Benoît devint prêcheur et voyageur, essaimant au gré de ses rencontres des monastères, où les frères suivaient sa Règle à la lettre. Ainsi sont nés les bénédictins, et il n’est de moine copiste, de moine défricheur ou de moine agriculteur, qui ne doive quelque chose à son lointain héritage.
C’est peu dire qu’on apprend beaucoup de choses à lire Odon Hurel, chercheur au CNRS, et spécialiste des abbayes et des prieurés. Le cardinal Etchegaray, tout récemment décédé, fut lui aussi un grand admirateur de Benoît, et un excellent connaisseur de son œuvre. Avant lui, le pape Paul VI avait proclamé saint Benoît « patron principal de toute l’Europe », quatorze siècles après sa mort ! C’est donc un personnage clé, mais mal connu, que ce livre dévoile.
Didier Ters
Odon Hurel, Saint Benoît, Perrin, mars 2019, 270 pages, 23 eur