Et ils mirent Dieu à la retraite, histoire d’une émancipation
Un grand historien de la Renaissance
Louis XII, Henri II, Charles VIII, François Ier : Didier Le Fur a été leur biographe, chaque fois avec talent. Il se distingue par sa profonde connaissance de la période de la Renaissance et son insistance sur certains mythes, tel celui de l’empereur des derniers jours : François Ier et Charles Quint ont ainsi voulu être ce souverain des derniers temps préparant le retour du Christ à Jérusalem et son triomphe sur les infidèles et les hérétiques. Ici, il livre l’essai Et ils mirent Dieu à la retraite pour le compte du nouvel éditeur Passés composés sur la façon dont les historiens ont fini progressivement par construire une histoire sans Dieu.
Une progressive émancipation
Après l’antiquité et pendant longtemps, l’écriture de l’histoire fut réservée à des clercs : citons par exemple Eusèbe de Césarée. Reste qu’il y eut toujours une place pour l’exercice de la raison dans l’histoire. Le moment de la Réforme constitue comme dans d’autres domaines une étape essentielle de la réflexion.
Emerge surtout progressivement (car l’histoire est faite d’accidents, elle est non linéaire par excellence) l’idée de progrès (fut-ce une illusion ? Je lance le débat) et ce d’abord chez des penseurs issus du protestantisme comme Bacon. Au fur et à mesure s’impose l’idée d’une histoire dégagée de l’influence de l’église catholique, puis de l’idée même de Dieu : c’est le stade terminal, c’est-à-dire les vingtième et vingt-et-unième siècles.
Un essai stimulant
Ici, Didier Le Fur se fait philosophe de l’histoire, sans peut-être le vouloir, en retraçant les étapes de cette naissance de l’histoire sans Dieu (mais peut-on en exclure complètement l’influence de l’idée de Dieu ? Autre sujet). On s’étonne cependant de l’absence d’Hegel, l’homme sans qui Marx n’aurait pas été le même, et de sa vision téléologique de l’histoire. En tout cas, ici on réfléchit et, comme dirait mon père qui n’est plus de ce monde, ça fait toujours du bien.
Sylvain Bonnet
Didier Le Fur, Et ils mirent Dieu à la retraite, Passé composé, mars 2019, 240 pages, 19 sur