Marie-Antoinette, un mythe français
Un historien de l’empereur et de la reine
Charles-Eloi Vial s’est fait connaître par une série d’ouvrages consacrées à la période napoléonienne, toujours écrits avec talent et érudition : citons la biographie de Marie-Louise (Perrin, 2017) ou Histoire des Cent-Jours (Perrin, 2021). Déjà auteur de La famille royale au Temple (Perrin, 2018), il nous donne maintenant une biographie de la dernière reine de France, Marie-Antoinette, objet de bien des fantasmes de son vivant et encore plus depuis son exécution. Dernièrement, une biographie d’Antonia Fraser avait imposé l’image d’une princesse frivole, fashion victim avant la lettre, que Sofia Coppola a représenté avec brio à l’écran sous les traits de la jolie Kirsten Dunst.
Une inconnue ?
On ne peut pas dire que Charles-Eloi Vial souscrive à cette lecture. Il repart ici des archives, particulièrement celles de Vienne et nous peint une jeune princesse allemande qui vit dans une grande famille et dans une cour où l’étiquette est plus lâche qu’à Versailles. Son éducation est dans un premier temps négligé jusqu’à que sa mère et Louis XV commencent à songer à la marier au dauphin : on essaie alors d’améliorer la jeune princesse qui fait des progrès en Français mais qui aura toujours des lacunes. Lorsqu’elle arrive en France, elle découvre une cour remplie d’intrigues avec au centre un roi vieillissant, Louis XV, qui la prend en sympathie, et un jeune mari gauche, un peu lourdaud, aussi immature qu’elle : le futur Louis XVI. De fait, ils ne consomment pas leur mariage… La jeune dauphine vit la décennie 1770 dans une certaine oisiveté. Elle va à Paris sans le dauphin, participe à des bals et à des fêtes, joue (et perd) beaucoup, au grand dam de sa mère et de l’ambassadeur d’Autriche, Mercy-Argenteau. Devenue Reine, elle ne change rien à ses habitudes, sans se douter que sa mauvaise réputation est déjà faite…
Une reine détestée
Une reine de France n’a pas de rôle politique et sa fonction première est d’enfanter. Si elle donne enfin naissance en 1778 à sa première fille, Marie-Thérèse, elle est la cible de bien des quolibets. Elle s’est mise à dos des vieilles familles de cour comme les Noailles, fuit ses obligations issues de l’étiquette instaurée par Louis XIV. Marie-Antoinette refuse en fait de vivre en public, en représentation, fuit au petit Trianon… et de fait alimente tous les fantasmes. Couche-t-elle avec le frère de Louis XVI, Artois, ou avec la princesse de Polignac, ou d’autres ? N’est-elle pas plus autrichienne que française ? On la soupçonne de tout alors que son rôle politique est longtemps pratiquement nul. Lorsqu’éclate l’affaire du Collier, l’opinion la croit au fond coupable… La Révolution amplifie cette haine. Et elle commet des fautes en poussant le roi à fuir vers les troupes du marquis de Bouillé. Au fond, elle ne comprend pas la Révolution. Elle apprend à mentir et à dissimuler, pas à manœuvrer politiquement. La chute de la monarchie et l’exécution de Louis XVI scellent son destin. Probablement malade, elle est jugée et exécutée. Sa légende en tout cas n’est pas morte. On découvre ici une femme mélancolique, mal préparée pour être reine, mal marié au fond (mais Anne d’Autriche l’était également), courageuse aussi.
On ne peut que louer le travail de Charles-Eloi Vial, un historien qui sait aussi écrire.
Sylvain Bonnet
Charles-Eloi Vial, Marie-Antoinette, Perrin, janvier 2024, 720 pages, 29 euros