La collaboration Hitler-Staline, le pacte des diables
Un historien militant
On connaît Jean-Jacques Marie pour ses biographies de Lénine (Payot, 2010), de Beria (Tallandier, 2013) et pour La guerre des Russes blancs (Tallandier, 2017). C’est aussi un homme engagé à gauche, ancien membre de la SFIO, du Parti socialiste autonome et de l’OCI, une organisation trotskiste. Avec La collaboration Staline-Hitler, il revient sur la relation hors normes entre l’URSS et le IIIe Reich.
Entre hostilité et affinité
Jean-Jacques Marie revient bien sûr sur ce fameux pacte germano-soviétique et déjà sur les chemins sinueux qui ont amené Moscou et Berlin à le signer. Car c’est normalement l’hostilité idéologique la plus totale qui règne entre communistes et nazis, les seconds ayant liquidé le mouvement communiste allemand en 1933. Mais il y a la géopolitique héritée de la grande guerre qui a fait de la Russie soviétique et de l’Allemagne des puissances « révisionnistes » qui ont signé les accords de Rapallo en 1922 : l’armée allemande pouvait ainsi tester de nouveaux matériels au pays des travailleurs. Durant les années trente, l’URSS cherche des partenaires. Or les démocraties françaises et anglaises, travaillées par l’anticommunisme, se dérobent, s’attirant le mépris de Staline qui a toujours gardé en tête la possibilité d’une entente avec Hitler. Des canaux existent entre les deux dictatures. Et sont utilisés. Après tout, les deux puissances ne sont-elles pas antilibérales ?
Et l’impensable pour les militants sincères se produit.
L’URSS faillit creuser sa tombe…
Staline en profite pour occuper les pays baltes et une partie de la Pologne, écrasée par la Wehrmacht. La piteuse prestation de l’armée rouge face à la Finlande va par contre inciter Hitler à penser qu’une guerre à l’est, à laquelle il n’a jamais renoncé, serait facile. Et l’URSS livre toutes les matières premières dont le Reich a besoin pour préparer… Barbarossa ! Staline, ce manipulateur retors et cynique, se persuade qu’Hitler n’attaquera pas. Prisonnier d’une bulle cognitive, il néglige tous les avertissements, tous les renseignements qui lui parviennent (dont ceux de Richard Sorge) et ne prépare pas l’armée rouge à la guerre. La suite est connue
Notons qu’en 1944, l’armée rouge laissa la Wehrmacht détruire Varsovie et massacrer les insurgés : toujours ça de pris, la Pologne en sera d’autant plus facile à soviétiser… Voici un ouvrage qui rétablit quelques vérités.
Sylvain Bonnet
Jean-Jacques Marie, La collaboration Staline-Hitler, Tallandier, mai 2023, 352 pages, 22,50 euros