Vittoria, un film d’Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman
Le générique final des biopics ou des films based upon a true story s’accompagne souvent de photos des véritables personnages dont on s’est inspiré. Vittoria, d’Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman, se plie à cet usage, à ceci près que les véritables personnages qui apparaissent dans le générique final sont dans l’ensemble les mêmes que ceux que nous venons de voir sur l’écran. Et pour cause : ils ont eux-mêmes interprété leurs propres rôles. Clint Eastwood, pour son 15h17 pour Paris, avait adopté le même principe, en choisissant de faire interpréter par les intéressés eux-mêmes les trois jeunes Américains qui avaient empêché un terroriste de se livrer à un carnage dans le Thalys.

Un tel choix renvoie à la question du réalisme au cinéma, mais cette question est toujours un peu oiseuse, puisque l’art, par définition, n’est pas la réalité. Une scène du film de Steven Soderbergh Erin Brockovich résume plaisamment ce jeu du vrai et du faux : la vraie Erin Brockovich y fait une courte apparition en tant que serveuse avec un badge portant le prénom Julia… et ce prénom d’est autre que celui de Julia Roberts, qui incarne Erin Brockovich dans le film. On pourrait aussi citer ici la légende — et si ce n’est qu’une légende, peu importe… — selon laquelle Chaplin s’était un jour amusé à participer à un concours de sosies de Charlot… et n’avait pas gagné.
Ce qui a sans doute poussé Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman à confier leurs propres rôles aux héros de Vittoria, c’est que cette histoire vraie se présentait d’emblée comme une pièce classique. Ou plutôt, comme un « drame bourgeois » en trois actes sur la question de l’adoption.

Acte I ● À la suite d’un rêve récurrent, une mère de famille italienne, coiffeuse de son état, se met en tête d’adopter une petite fille alors qu’elle a déjà trois fils. Le mari n’est guère convaincu que ce soit là une bonne idée et fait de la résistance. Mais il doit y avoir en lui une fibre féministe qui finalement triomphe et l’incite à soutenir son épouse. Acte II ● Le parcours administratif du combattant pour adopter un enfant est d’autant plus ardu ici qu’on n’a pas, a priori, le droit de choisir le sexe de l’enfant. Acte III ● Une fois toutes les paperasses remplies, reste à voir, pratiquement, si la petite fille proposée pour l’adoption est « compatible » avec les parents adoptifs potentiels. Il y a donc une période d’essai, au cours de laquelle on découvre que ladite petite fille a un léger retard dans l’acquisition de la parole et des connaissances. Reste à savoir si ce retard est rattrapable. N’est-il pas simplement la conséquence de ce qu’elle a vécu ?
Tout cela a forcément été réécrit, mis en forme, mis en scène par les deux réalisateurs, mais tout cela sonne vrai, parce que la forme et le fond se font écho ici de la manière la plus « naturelle » qui soit. Tout comme, dans un docufiction bien fait, il est impossible de distinguer la part docu et la part fiction, il est prouvé ici que, quand une adoption est réussie, la biologie n’a guère d’importance, les parents adoptifs devenant très vite des parents aussi bio que des parents bio. Un coup de théâtre bouleversant vient en fournir la preuve dans la dernière minute. Et si vous n’êtes pas bouleversé, tant pis pour vous.
FAL
Vittoria, un film d’ Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman, avec Marilena Amato, Gennaro Scarica et Nina Lorenza Ciano, 1h20, sortie en salle juillet 2025