Le Paris du Moyen âge de Claude Gauvard et Boris Bove, un panorama complet de la ville
Plus de 50 ans après le salutaire Pour en finir avec le Moyen âge de Geneviève Pernoud, certaines idées reçues perdurent concernant cette longue période fondatrice.
L’ouvrage collectif Le Paris du Moyen âge de 2014 dirigé par Claude Gauvard et Boris Bove paraît en poche opportunément au moment où Notre-Dame rouvre son large portail aux visiteurs. Fondé sur les recherches contemporaines, il dévoile certains aspects méconnus de l’époque et tend à montrer combien elle annonce les évolutions futures de la ville.
Quand le religieux et le politique se côtoient
Le livre, dans des chapitres thématiques, dresse un tableau vivant du contexte dans lequel l’édifice a vu le jour, puis a connu de nombreux remaniements et expansions depuis le VIIIe siècle. En 2014, la cathédrale n’avait pas encore brûlé, aussi n’est-elle pas au centre de l’ouvrage qui montre néanmoins comment le religieux innerve bien des aspects du Paris médiéval.
« Monument le plus grandiose du Paris médiéval, elle était un des repères majeurs de la cité grâce à ses tours, visibles au-dessus de la ville, et grâce à ses cloches. »
De ce fait, l’évêque tout autant que le roi est un personnage important par ses prérogatives : il possédait de nombreuses terres et paroisses à administrer sur le plan foncier et juridique, et exerçait des fonctions judiciaires auprès de la population.
On trouve ici relatée l’origine parfois insolite des premiers sanctuaires et de leurs saints ; certains sont encore bien connus parce qu’ils abritent des sépultures, tels Sainte-Geneviève, le futur Panthéon, et la basilique Saint-Denis. Quant aux résidences royales, elles furent diverses : le palais de la Cité d’abord, puis, lorsque l’île devint un lieu de pouvoir institutionnel, le Louvre ; il est moins connu que la Bastille et Vincennes servirent tout autant de palais.
« Vincennes est donc bien le palais royal, parce qu’il est la projection du palais de la Cité mais dans un système sécurisé qui dégage une route fortifiée vers Reims. »
Un espace et une société en évolution

Des cartes et schémas sont particulièrement utiles pour visualiser l’expansion des enceintes, du Xe siècle aux règnes de Philippe Auguste (1180-1223) et de Charles V (1357-1380), déjà de plus grande ampleur sur la rive droite. Ces modifications correspondent à des évolutions sociales et politiques avec l’émergence d’une « bourgeoisie de Paris », liée par des droits et devoirs au pouvoir royal, et qui contribue au financement des travaux.
Lors de la guerre de Cent ans, la fonction défensive des enceintes est renforcée par un système de fossés expansifs, ce qui nuance l’idée d’un usage toujours croissant de la pierre. L’évolution de l’artillerie rend parfois les obstacles en terre plus efficaces !
Conditions sociales, université et justice
La seconde partie de l’ouvrage est consacrée aux aspects sociaux et culturels. De multiples institutions de charité offrent le gîte et le soin aux plus démunis dont l’Hôtel–Dieu n’est qu’un paradigme.
Les droits des femmes évoluent sensiblement, qu’elles se destinent à la vie religieuse ou à un métier. Elles jouissent parfois d’un statut égal à celui des hommes même si les carrières administratives, de justice et d’exercice du pouvoir leur sont fermées. Le chapitre qui leur est consacrée s’attarde, comme il se doit, sur la figure de Christine de Pizan, qui se tourne vers l’écriture à la mort de son époux et témoigne de cette évolution.
Les origines de l’Université, retracées à partir de 1200, rappellent l’apport de cette confédération d’écoles, tant sur le plan des savoirs, d’un partage de valeurs, que du prestige culturel de Paris qui attirait des étudiants régionaux et étrangers. C’était avant et en dépit des censures du collège de Sorbonne, tant moqué par Rabelais !
Ainsi Paris apparaît comme une ville aux multiples fonctions s’organisant progressivement, dans le contexte d’une royauté contestée jusqu’à la guerre de Cent Ans. Le livre, solidement documenté et étayé, est une bonne façon de revisiter le Paris médiéval.
Florence Ouvrard
Claude Gauvard et Boris Bove, Le Paris du Moyen-âge, Alpha « Histoire », avril 2025, 290 pages, 10 euros.