Faire de la France une démocratie, retour au peuple?
Ancien élève de Normale sup’, Raphaël Doan s’est fait connaître en publiant quelques essais comme Quand Rome inventait le populisme (Cerf, 2019), Le rêve de l’assimilation (Passés composés, 2021) et plus récemment Si Rome n’avait pas chuté (Passés composés, 2023). Faire de la France une démocratie est un essai au titre provocateur qui profite du contexte de crise politique que traverse le pays depuis la dissolution ratée de juin 2024.
Représentants contre la démocratie ?

En lisant le court et dense essai de Raphaël Doan, on en déduit déjà une chose : pour lui, le modèle de démocratie est à Athènes. Or Athènes pratiquait la démocratie directe, avec le peuple réuni en assemblée qui élisait ses dirigeants et ses magistrats. De telles pratiques sont impossibles dans des états de plusieurs dizaines de millions d’habitants d’où le choix d’un système représentatif avec des représentants élus par le peuple mais ce peuple ne s’occupe ensuite plus de rien jusqu’à la prochaine consultation électorale. Dans les années 1930, André Tardieu qualifiait alors le corps électoral de « souverain captif » et voyait dans les parlementaires une corporation à part. Doan y voit une nouvelle oligarchie. Que faire selon lui ? tenir régulièrement des référendums, comme le voulait le général de Gaulle qui, en son temps, y a eu plusieurs fois recours.
Le référendum, la panacée ?
Après tout, pourquoi pas ? La Suisse en organise régulièrement, les Etats-Unis également au niveau des états. Mais les élites politiques françaises sont traumatisées par le référendum sur le projet de constitution européenne de 2005 où le « non » l’a emporté contre le « oui », ce qui n’a pas empêché ensuite le parlement de ratifier le traité de Lisbonne qui reprenait l’essentiel du texte rejeté : on a là une des sources du divorce entre les élites et le peuple en France. Pourtant, de l’immigration au nucléaire, le peuple a un avis et c’est lui seul qui, en dernier ressort, doit décider. Pourquoi ne pas le consulter ? Chiche, comme dirait l’autre. Il est vrai qu’en France le périmètre du référendum est limité par l’article 11 de la constitution. Mais de Gaulle y a eu recours en 1962 sur un sujet, l’élection du président de la République au suffrage universel, qui normalement relevait de l’article 89 ; disons qu’on a toujours une certaine latitude d’interprétation… dernière remarque : tant que les élites auront peur du peuple, les mouvements populistes prospéreront, le radicalisme s’épanouira et le pire risque d’advenir.
Un essai revigorant.
Sylvain Bonnet
Raphaël Doan, Faire de la France une démocratie, Passés composés, mai 2025, 112 pages, 10 euros