Fortunes de mer et sirènes coloniales, un passé refoulé

Récent auteur de L’Institution de l’esclavage (Gallimard, 2017) et des Petites patries (Gallimard, 2019), Olivier Grenouilleau a commencé sa carrière d’historien avec Les Traites négrières, essai d’histoire globale (Gallimard, 2004). Dans cet ouvrage il s’attachait à décrire le phénomène de la traite négrière, celle des européens et celle des arabes, ce qui lui valut bien des polémiques inutiles. Pour les éditions du CNRS, il a repris différents articles sur le commerce atlantique et la colonisation qu’il a refondu en un seul essai, Fortunes de mer et sirènes coloniales

Quelques idées reçues corrigées 

Sans entrer dans les détails de l’ouvrage, Olivier Grenouilleau par ses études remet quelques pendules à l’heure. Il démontre ainsi que, contrairement à ce qui a longtemps été affirmé, le capitalisme commercial français n’était pas en retard par rapport à ses homologues britannique ou néerlandais. Sinon comment expliquer la croissance connue au XVIIIe siècle ?

De même, il explique, à la suite d’autres historiens, que le capitalisme des négociants coloniaux et négriers de la côte atlantique n’a pas financé la révolution industrielle en France où en Angleterre. Une certaine doxa tiers-mondiste avait popularisé cette idée dans les années 70 et 80, à tort. Impartial, Grenouilleau montre aussi comment le trafic négrier a enrichi nombre de familles nantaises et bordelaises et a perduré très tard dans le XIXe siècle. 

L’empire colonial, une arnaque? 

Jacques Marseille (1945-2010) y avait consacré une thèse où il expliquait que le Second empire colonial avait été acquis pour une bouchée de pain et avait fini par coûter de plus en plus cher. Pas une bonne affaire en somme ? Olivier Grenouilleau revient sur ce débat, peignant une situation contrastée (par exemple pour la marine marchande ou l’industrie textile). Butte témoin du protectionnisme, héritier de la tradition de l’exclusif colonial, l’Empire servit de base arrière à l’économie française en période de crise, surtout pour les industries en perte de vitesse. Après 1945, il perdit de son intérêt économique avec le marché commun.

Voici un essai passionnant pour qui s’intéresse au passé colonial de la France et à l’histoire des XVIIIe et XIXe siècles.   

Sylvain Bonnet 

Olivier Grenouilleau, Fortunes de mer, sirènes coloniales, CNRS éditions, octobre 2019, 240 pages, 24 eur

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