Petit traité des idées, à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre
La collection « Petits traités » est un espace de liberté pour les auteurs qui s’emparent d’un sujet et le traitent avec leur personnalité. Très percutant et a priori (seulement) moins philosophique que les autres volumes parus à ce jour, le Petit traité des idées de François Belley — qui se présente lui-même comme un producteur d’idées — est autant un traité qu’un manifeste, un guide qu’on gardera précieusement dès lors qu’ili s’agira de chercher, comme il est dit dans le sous-titre, à « se faire entendre ». Si vous avez quelque chose à dire, et que le bruit ambiant vide de sens vous exaspère, emparez-vous sans tarder de ce guide.

Qu’est-ce qu’une idée ?
Premier contact avec la manière dont François Belley entend philosopher. Et premier choc : il n’est pas platonicien ! Comment est-ce possible ? C’est que pour lui l’idée n’est pas une part de divinité à atteindre, un idéal, la seule perfection possible, mais une part de soi à mettre en œuvre. Il démocratise la « représentation abstraite, élaborée par la pensée » (Larousse) et faisant le pari que tout à chacun en est doté et que toutes les idées doivent pouvoir être défendues.
Ce qui distingue François Belley du débat traditionnel des philosophes sur l’idée, outre les variations — concept, opinion, commentaire, etc. —, c’est essentiellement qu’il s’agit pour lui d’une force propre à l’homme, détachée des vérités éternelles et absolues. Et surtout extraire de l’air-du-temps sa propre marque, son idée propre et la meilleure manière de la faire valoir. En fait, les lecteurs de pure philosophie seront décontenancés, mais le livre ne leur est pas destiné : des chapitres courts, des placards immenses, des phrases chocs qui sont autant de slogans, des exemples nourris et variés, autant de
Une idée, ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle apporte sur à soi-même et à la société — un des aspects important de ce livre —, est pour François Belley une vision et une énergie.
un vade-mecum
Si vous n’avez pas grand-chose sur la ligne de départ, vous excellerez dans la culture de la démerde, l’art du do-it yourself et la manière de mener l’action de façon libre et spontanée.
Le travail de François Belley dans son Petit traité des idées est proche d’une méthode pour réussir à exprimer sa grande idée, et l’imposer. D’abord, il faut comprendre qu’une idée est accessible, mais qu’il faut savoir la distinguer dans le bruit du monde. Ensuite, oser, et se lancer. Être ouvert, curieux, savoir se mettre en condition pour pourvoir les rencontrer partout, rester toujours attentif et acteur de l’évènement des idées, y compris à ce qui semble s’opposer à nous. Trouver une idée — entendu une idée nouvelle, digne de se distinguer — c’est d’abord sortir des sentiers battus : être subversif.
Dans un long combat entre soi-même, le travail de l’idée est guidé par ce etit traité des idées étape par étape. Comment se mettre en situation de comprendre qu’il s’agit d’une idée porteuse, comment la faire grandir, la consolider, et l’exprimer pour qu’elle devienne votre façon de voir le monde et que cette vision personnelle soit reconnue. Et si, au terme de ce cheminement pour aboutir à la possibilité de faire connaître son idée, si le public n’est pas au rendez-vous, au moins tout le travail effectué pour percuter le monde aura permis de rencontrer la seule personne qui compte vraiment, par ce long travail de clarification et d’effort pour aboutir, au-delà même de l’idée, à ce qui est le plus important : soi-même.
Pour imposer votre idée, il faudra provoquer le destin, casser la marche balisée du monde, changer le sens déjà réglé de l’univers. Au cours de cette expédition, prévoyez de rendre coup pour coup à ceux, nombreux, qui vous mettrons des bâtons dans les roues.
Très inspiré par le travail post-marxiste de Guy Debord — il propose donc aussi une critique de la société actuelle —, mais aussi à la croise de nombreuses disciples qui toutes réclament que la pensée soit maîtrisée, François Belley met son expérience de communicant au servir de ceux qui aimerait savoir défendre leurs idées. Son Petit traité des idées est un vrai pas-à-pas utile et percutant, d’autant qu’il s’efforce toujours de garder un côté percutant et incisif, souvent drôle, et toujours percutant. Si vous cherchez un coup de pied salutaire pour faire entendre votre idée, dans la « société déblatérante » faite de bruit et de clash, alors le Petit traité des idées est fait pour vous.
Loïc Di Stefano
François Belley, Petit traité des idées, à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre, Guy Trédaniel éditeur, septembre 2025, 155 pages, 12,90 euros
