Arménie-Azerbaïdjan, une guerre sans fin ?
Docteur en histoire, journaliste au Monde, Gaïdz Minassian s’est fait remarquer avec Les sentiers de la victoire (Passés composés, 2020) où il s’interrogeait sur les transformations de la guerre et de la difficulté pour les États d’obtenir des victoires indiscutables. Arménie-Azerbaïdjan, une guerre sans in, revient sur le conflit du Haut-Karabagh qui vient de trouver une issue très provisoire…
La poudrière du Caucase
Ce conflit trouve ses origines dans l’imbrication profonde des peuples dans cette région et dans la décision de Staline de rattacher le Haut-Karabagh, peuplé majoritairement d’arméniens, à l’Azerbaïdjan. Une manière de diviser pour régner et de réserver pour la Russie le soin de privilégier tel ou tel partenaire. La première phase de ce conflit commence dans les derniers jours de l’URSS et se termine par une « victoire » arménienne en 1994, favorisé par le pouvoir russe qui arme les insurgés et les militaires arméniens. Loin de se régler, le conflit reste gelé.
Après les dérives des années 1990, la Russie redevient un acteur impérial avec Poutine qui réinvestit la région en intervenant en Géorgie en 2008. Cette intervention, et notre historien le souligne, est un prélude à la guerre en Ukraine. C’est aussi un signal envoyé à l’Occident, qui a pris pied dans le Caucase, que la Russie décide de l’ordre de la région. La « victoire » de l’Azerbaïdjan en 2020 puis en 2023 redistribue les cartes, preuve de l’implantation de la Turquie dans la région, partenaire et rivale de la Russie.
Des conflits gelés
Pourquoi un tel intérêt ? Il est peut-être à rechercher dans le fait que le Caucase comme l’indique Gaïdz Minassian, est un point de contact et bientôt un point de passage terrestre entre l’Inde, la Russie, le Moyen-Orient, à un moment où les exigences de la transition écologique vont pousser à revoir les modes de transport et le commerce international. On le voit déjà pour le gaz, l’Azerbaïdjan exportant son gaz… et aussi celui de la Russie qui est revendu à l’Europe (les sanctions ne marchent pas visiblement). La région a été secoué par de nombreuses tragédies (dont le génocide des arméniens) … Gageons que ce n’est pas fini que ce conflit est voué à rebondir d’une manière ou d’une autre.
Sylvain Bonnet
Gaïdz Minassian, Arménie-Azebaïdjan une guerre sans fin, Passés composés, février 2024, 368 pages, 22 euros