L’envers du Grand Siècle, le Roi-Soleil face à sa belle-sœur

Un historien de valeur

Conservateur général du patrimoine, Thierry Sarmant est pour nous un historien précieux de l’Ancien Régime. On lui doit Régner et gouverner : Louis XIV et ses ministres (Perrin, 2010) et une biographie de Colbert (Tallandier, 2019), coécrits avec Mathieu Stoll. Il a également publié l’année dernière un excellent ouvrage sur le Régent aux éditions Perrin : c’est tout naturellement qu’il devait finir par aborder le personnage de la mère de ce dernier, Madame Palatine avec L’envers du Grand Siècle.

Un personnage incroyable

Drôle de femme que cette Élisabeth-Charlotte, princesse du Palatinat mariée à Monsieur, frère de Louis XIV, homosexuel notoire. Autant Philippe d’Orléans paraît efféminé, autant sa nouvelle femme fait figure d’homme manqué (c’est un euphémisme). Mais sa spontanéité et son humour plaisent à Louis XIV. Et puis ils ont la passion de la chasse en commun. Commence alors entre eux un curieux dialogue qui se terminera à la mort du Roi en 1715 où la Palatine verse des larmes sincères. Cette princesse nous a laissé une abondante correspondance avec sa famille, écrite en français et en allemand, qui constitue une source de première main sur la cour du Roi-Soleil.

Une observatrice impitoyable

De par sa position (belle-sœur du Roi, mère de ses neveux et nièces), Madame Palatine voit tout du fonctionnement de l’univers curial. Ses petitesses. Ses querelles de préséance, où elle est souvent impliquée. Les disgrâces aussi. Dans sa correspondance, elle s’affirme comme « allemande », critiquant beaucoup les princes et nobles français (elle estime que la Noblesse allemande est plus authentique), et attaque beaucoup madame de Maintenon, l’épouse morganatique du Roi dispensatrice de toutes les faveurs. Il est vrai qu’elle ne lui pardonne pas d’avoir intrigué pour que son fils épouse une fille « légitimée » de Louis XIV. Ce dernier, au courant de la teneur de sa correspondance grâce au cabinet noir, la met parfois à distance, la critique, lui impose des périodes de disgrâce mais la rappelle toujours : au fond, il l’apprécie.

A la fin de son règne, gâché par la guerre et les deuils, elle reste au fond une amie qui réussit encore parfois à l’égayer. Cet ouvrage érudit et clair aide à comprendre la cour de Louis XIV.

Sylvain Bonnet

Thierry Sarmant, L’envers du grand siècle, Flammarion « au fil de l’histoire », février 2024, 340 pages, 23,90 euros