Des peuples en mal d’union, la naissance complexe de l’Argentine
Professeure d’histoire de l’Amérique latine à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste de l’Argentine, Geneviève Verdo a déjà consacré un livre à l’indépendance de ce pays, L’indépendance argentine entre cités et nations (Publications de la Sorbonne, 2006). Avec Des peuples en mal d’union, elle revient sur un processus de construction nationale assez particulier.
De la vice-royauté coloniale à… quatorze républiques

Dans l’empire colonial espagnol, la vice-royauté de la Plata est une nouveauté, issue des réformes des Bourbons. Ce qui marque dans la description faite par Geneviève Verdo est la quasi-autonomie de la région, très marquée par le poids des cités et les corporatismes, dans la plus pure tradition de l’Ancien Régime. Madrid joue principalement un rôle arbitral, particulièrement en termes de justice. Le choc de l’invasion de 1808 et le remplacement des Bourbons par Joseph Bonaparte déclenche un processus d’émancipation, accéléré par la fin de la junte en Espagne et le retour de l’absolutiste Ferdinand au pouvoir. Cependant, l’ancienne vice-royauté de la Plata ne devient pas une république unitaire : quatorze petits états naissent, plus ou moins liés.
Une voie originale
Les populations de la région hésitent, leurs représentants aussi. On est fascinés par l’intensité des débats entre fédéralistes et unitariens, par la porosité idéologique aussi entre tous ces hommes, dans un climat marqué par la guerre contre le Brésil lui aussi devenu indépendant, sans compter l’action des anglais (flairent-ils une bonne affaire ?). On sent aussi l’influence des révolutions française et américaine, les futurs argentins choisissent un temps un lien confédéral sur le modèle des résolutions de 1776. Il faudra un peu plus de trente ans pour que l’Argentine naisse, république en tout cas fédérale. Il est fascinant que le Mexique ait aussi choisi une forme fédérale, peut-être un héritage de l’ancien Régime espagnol, très loin de la tradition jacobine française. En tout cas, voici une autre façon d’analyser la modernité politique en passant par la périphérie de l’occident de l’époque.
Sylvain Bonnet
Geneviève Verdo, Des peuples en mal d’union, Flammarion « Le présent de l’histoire », mars 2025, 368 pages, 24,90 euros