Classes figées, la France en panne
Depuis 2008, la société française a dû affronter une succession de chocs économiques : crise des subprimes, crise des dettes souveraines, crise du COVID, inflation liée à la guerre en Ukraine… Le tout sur fond de désindustrialisation. Agathe Cagé, diplômée de l’ENS et de l’ENA, ancienne secrétaire générale de la campagne du socialiste Benoît Hamon en 2017, donne avec Classes figées un diagnostic de la France d’aujourd’hui.
Une société bloquée
Et ce diagnostic est accablant. La crise du pouvoir d’achat révèle à quel point nombre de français sont dans plongées dans la précarité. Cette précarité est en partie liée à un déséquilibre spatial et géographique. Habiter dans des zones métropolitaines c’est encore avoir accès à une gamme d’emplois variés et à des services publics. Habiter dans des zones rurales, dans des zones périurbaines (très bien décrites par Christophe Guilluy) ou dans des régions frappées par la désindustrialisation revient à ne survivre avec guère plus qu’un SMIC avec un petit boulot, et encore… Sans aucun espoir d’ascension sociale pour soi et aussi pour ses enfants (quand on en a). C’est selon Agathe Cagé la caractéristique principale de notre société : se retrouver piégé dans un groupe social, sans espoir d’évolution Presque le retour à une société d’ordres, celle de l’Ancien Régime.
Peu d’issues politiques…
Voilà en effet le résultat d’une trentaine d’années de politiques néolibérales qui ont désarticulé la société française, menées par la droite et aussi la gauche (la responsabilité des socialistes est accablante). Ces français des classes figées ont de plus l’impression, face aux conséquences du changement climatique, de subir des injonctions paralysantes. On leur demande de ne plus prendre leur voiture à essence pour aller travailler, sans proposer d’offre de transport public par exemple. On (c’est-à-dire certains médias) condamne leur préférence pour le pavillon… Alors qu’ils se sont endettés toute leur vie pour devenir propriétaires. Que faire pour en sortir ? Pour l’instant, ces français rejetés dans l’ombre votent de moins en moins, parfois pour le RN tandis que la gauche ne leur propose rien… pour le moment en tout cas.
Constat accablant mais lucide.
Sylvain Bonnet
Agathe Cagé, Classes figées, Flammarion, janvier 2024, 250 pages, 21 euros