La ville néolibérale, mutations urbaines
Professeur de science politique à Sciences Po Bordeaux, Gilles Pinson concentre ses recherches sur les politiques urbaines menées depuis la fin des années soixante-dix. Il livre ici, comme on va le voir, un essai critique de l’application du néolibéralisme à l’espace urbain.
Un espace urbain sous influence

Gilles Pinson commence dans son introduction par bien distinguer le libéralisme classique de ses variantes contemporaines, l’ordolibéralisme et le néolibéralisme. L’ordolibéralisme, courant de pensée qui s’est épanoui en Allemagne, insiste beaucoup sur les normes juridiques qui doivent organiser la société et le marché tandis que le néolibéralisme fait du marché même le principe de toute organisation, à rebours des modes de régulations fordiste et keynésienne mis en place au sortir de la guerre. L’espace urbain des années soixante et soixante-dix est ainsi marqué par la construction de grands ensembles, par la volonté de mixité sociale et mise en place de services publics importants. Le néolibéralisme qui triomphe à partir de la fin des années soixante-dix change la donne. Sans tout changer, il impose des logiques de marketing urbain, redécoupe l’espace, limite le logement social, impose la domination de grands évènements (pensons aux JO…).
Une France pas épargnée
L’hexagone n’a pas connu de révolution néolibérale comme la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. C’est petit à petit que la logique néolibérale s’est imposée, sans effacer les politiques antérieures. Les grandes politiques de rénovation urbaine pilotées dans les années 2000 par l’ANRU a redéfini l’espace urbain mais à la même époque c’est, selon l’auteur, une logique de répression identitaire qui s’impose lors des émeutes de 2005 (en 2023 ce fut pire), la fin de la police de proximité : les années Sarkozy en gros. A côté, ce sont les métropoles qui tirent leur épingle du jeu, avec leurs centres villes repeints et luxueux, ainsi que des centres commerciaux de plus en plus grands (les fameux malls américains). Quel avenir pour les villes après ces thérapies de chocs ?
Un essai stimulant.
Sylvain Bonnet
Gilles Pinson, La ville néolibérale, Alpha « essai », postface de Patrick Le Galès, juillet 2024, 264 pages, 8 euros