La vie devant moi de Guy Birenbaum
Guy Birenbaum est journaliste et éditeur autant qu’écrivain. Dans ce livre, il raconte un épisode de la vie de sa mère, Tauba Zylbersztejn. Il s’est basé sur son interview réalisé en 1994 par la Shoah Visual History Foundation, une association créée par Steven Spielberg qui a recueilli 52 000 témoignages de par le monde. Son projet visait à ce que « l’Histoire ne soit plus abstraction, mais rencontre de visages et de voix uniques », a-t-il écrit. La même intention a guidé Birenbaum dans l’écriture de son roman. Plutôt que de rédiger un documentaire, il a fait le choix de la fiction, dans le but d’incarner l’histoire de sa mère. Il ne révèle rien de l’état dans lequel il l’a écrit jour après jour, mais on peut l’imaginer…
Deux ans de réclusion

Tauba, la mère de Guy, avait onze ans au moment de la rafle du Vel’ d’hiv’ du 16 juillet 1942. Une concierge et un couple de français les ont sauvés, elle et ses parents. Désiré et Rose Dinanceau, un poilu de la guerre de 14 qui a le sens de l’honneur et sa femme fort chrétienne hébergent la petite famille dans un débarras de 6m2, que leurs noms soient honorés ! C’est au prix de leur vie : toute personne hébergeant un juif recherché risquait la peine de mort. Mais ce n’est que pour quelques jours, le temps de trouver une solution… Les Zylbersztejn sont démunis, et ils ont entendu trop de témoignages où le passeur dénonce son « client » après avoir empoché son fric, ils ne trouvent pas de solution … La petite famille est arrivée rue Saint-Maur en juillet 1942, elle en sortira le 25 août 1944…
Le livre décrit ces 765 jours de réclusion clandestine… Moshe, le père, passe ses jours et ses nuits à faire le guet à la fenêtre, sa fille et sa femme dorment sur un sommier. A chaque instant ils peuvent être dénoncés, raflés, ils doivent se méfier de tous, ne faire aucun bruit, que les voisins ne les détectent pas… Rose monte de temps en temps leur apporter quelque nourriture.
Trois vies en suspens
C’est dans ce climat que la petite Tauba grandit. Elle est entrée dans ce galetas en petite fille effrayée, elle en sortira en jeune fille combative… Ce livre vaut tous les thrillers du monde. David Lynch, que l’on encense actuellement, peut aller se rhabiller ! Ses intrigues ficelées en toute gratuité ne pèsent rien au regard du choc du réel. J’ai dû, pour ma part, parcourir les cent quatre-vingt pages du livre d’une seule traite. Je ne peux rien en dire sous peine de casser le suspense et l’effroi, la compassion qui s’empareront du lecteur.
Si vous réussissez à finir la lecture de ce livre sans verser une larme, bravo ! C’est que vous êtes un vrai dur à cuire…L’auteur a participé à l’écriture du scénario du film du même nom, de Nils Tavernier, qui sortira en salle le 26 février prochain.
Mathias Lair
Guy Birenbaum, La vie devant moi, Flammarion, janvier 2025, 192 pages, 21 euros