« Sérotonine » de Michel Houellebecq


Chaque nouveau livre de Michel Houellebecq est un évènement dans la vie littéraire du pays. Sérotonine ne déroge pas à la règle, et le cercle de ses partisans ne cesse de s’agrandir.

Avec la même facilité d’écriture déconcertante, et le même art du récit, que ses précédents livres, l’écrivain met en scène un narrateur, Florent Labrouste, ingénieur agricole, très préoccupé par sa vie sexuelle, mais dépressif. Gibier de psy idéal, son analyste lui prescrit un antidépresseur, le captorix, qui génère une molécule, la sérotonine, qui entraine la perte de la virilité et de tout désir. 

A partir de là, ce héros anti-héros conte ses déboires, la fin de ses amours, sa misanthropie progressive dans un monde qu’il ne comprend plus, et ne veut plus connaitre. C’est la description de cette société devenue étrangère qui est fascinante sous la plume de Houellebecq. On retiendra particulièrement ses retrouvailles avec un vieil ami aristocrate, agriculteur en Normandie, et ces journées tragiques de révolte du monde paysan dans cette Normandie, secouée de drames, et de suicides. 

Le monde de Houellebecq est sans concession, et déjà son précédent livre, Soumission, ne laissait pas beaucoup d’espoir. La Carte et le territoire, prix Goncourt en 2010, semblait un chant désespéré, mais traversé par quelques lumières, absentes de Sérotonine. La langueur de certaines pages et l’addiction aux affaires de braguettes, auraient pu nous être épargnées. Mais les pépites sont plus nombreuses que les scories, en sorte qu’on ne quitte plus ce livre après l’avoir commencé. 

L’humour n’en est pas absent non plus, témoin cette visite à un docteur qui lui prescrit… le portable de prostituées spécialisées dans les cas graves. Il arrive donc que l’on s’amuse aussi. Le narrateur est-il le double de l’auteur ? Pas si sûr ! Malgré ce qu’il montre et ce qu’il dit, fruits d’un marketing savamment étudiés, Houellebecq aime la vie, et vient de se marier en grande tenue, avec une jeune femme d’origine orientale, qui rappelle étrangement celle qui est décrite (parmi d’autres partenaires), dans ce livre. 

Au-delà du thème, et de la perspicacité de l’auteur, son style un peu magique, et sa capacité à prendre le lecteur par la main, en font évidemment un écrivain majeur. Et donc à lire. 

Didier Ters

Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion,

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