« Les Hautes collines » de Thomas A. Ravier

C’est une plongée dans les sens et la mémoire qui nous est proposée par Thomas A. Ravier avec Les Hautes collines. Publié dans la collection « Haute enfance » où les écrivains se livrent au bien bel exercice de nous parler de leur passé et des relations qu’ils entretiennent avec la création, ce livre saura conquérir tant l’âme que l’esprit.

Lorsque la mère du narrateur l’appelle pour lui annoncer que la villa du Lavandou où il passa son enfance est vendue, c’est un pan entier de sa vie qui s’effondre alors. Lui qui désormais vit à Paris mais qui n’avait jamais coupé avec le sud, se voit alors amputé de cette Provence mystifiée qu’il affectionne tant. C’est alors l’occasion de dérouler le fil de son existence, de se livrer à un autoportrait introspectif, de revisiter les lieux et les personnes qui les occupèrent. Parmi ces lieux, bien évidemment Leï Fatigas, cette villa autrefois occupée par ses grands-parents avec qui il faisait corps et chair. Elle occupe une place centrale son existence où nombre de ses souvenirs les plus marquants y sont à jamais scellés.

Durant ses chroniques, le narrateur fouillera dans sa mémoire pour nous déclarer sa flamme à ce Midi dont il ne rate jamais un été. Il se laisse aller à des élans d’amour poétiques pour sa géographie, son climat et ce fameux mistral qui en est le souffle salvateur. Il en profite pour régler ses comptes avec notre société qui a défiguré la Côte d’Azur du fait de la spéculation immobilière et d’un tourisme de masse ou d’élites qui foulent son sol sans respect aucun, les visions idylliques de son enfance ayant été remplacées par la vulgarité et le comportement moutonnier de nos contemporains. Outre le sud, on y parlera aussi de sensualité, d’éducation sentimentale, d’apprentissage de l’amour… Le narrateur étant prédestiné grâce à la littérature « père de tous les vices » à devenir un grand séducteur. Il ne manquera pas d’égratigner sa famille au passage, nous rappelant les bassesses de la nature humaine. Durant cette épopée personnelle, le fil conducteur de cette vie livrée au lecteur étant assurément l’art. Avec pour bande son du jazz ou de l’opéra, les occasions de convoquer quelques-uns des plus grands noms de la littérature ne manquant pas : Casanova, Bataille, Proust, Shakespeare et bien d’autres figurant à l’appel… Personnages qui, comme Leï Fatigas, accompagnent en filigrane la vie de l’écrivain et contribuèrent à l’édification de son être.

Par Les Hautes collines, Thomas A. Ravier nous rappelle que les rencontres marquantes de nos existences ne se font pas forcément avec des êtres de chair et de sang. Qu’il s’agisse de grands textes ou de lieux, ils façonnent et influent sur nos vies tant extérieures qu’intérieures. Ce bel autoportrait, une fois la lecture terminée, nous incitant de manière introspective à faire de même et sonder les clefs et signes (au sens deleuzien du terme) de notre histoire personnelle…

 

Romain Grieco

 

Thomas A. Ravier, Les Hautes collines, Gallimard, « Haute enfance », octobre 2017, 160 pages, 16 euros

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