Dernière station avant l’autoroute, plongée dans la nuit

Un des maîtres du roman noir français

Hugues Pagan, ancien policier et écrivain longtemps silencieux accaparé par ses travaux à la télévision, a effectué un retour remarqué avec Profil perdu en 2017. La publication de son dernier roman, Le carré des indigents, entraîne la réédition de ses principaux romans dont Dernière station avant l’autoroute sorti en 1997, lauréat en 1998 du prix mystère de la critique. Ce roman fut salué à l’époque comme son meilleur et beaucoup se demandèrent si Pagan pourrait un jour écrire autre chose… Alors de quoi Dernière station avant l’autoroute est-il le nom ?

Une mort qui annonce des désastres

Baltringue on naît, baltringue on meurt, il n’y a pas à sortir de là… C’était comme ça, joué d’avance et d’avance perdu… Alors le grand ciel bleu sombre, la mer immense… Le soleil écrasant… Vous pensez… Ces soudaines envolées de guitare, nostalgiques, véhémentes et bancales, toutes d’une véracité, d’un dédain presque insoutenables, toujours à vous gonfler en dedans de sourdes bouffées d’espoir, de colère, de durs désirs et de sang noir… 

Un sénateur est retrouvé mort dans un hôtel quatre étoiles. Suicide apparemment. Mais voilà il y a pas mal de questions en suspens. Pourquoi avoir vidé le disque dur de son ordinateur ? Et pourquoi se met-on à chercher une disquette où il aurait caché des informations ? C’est le groupe de nuit qui a traité l’affaire et son chef, le commandant, est soupçonné de l’avoir volé. Surtout que cet officier a rencontré la femme du mort, la superbe Alex, et a noué une liaison avec elle. On le soupçonne, on le scrute, on l’asticote. Sauf que le commandant, n’en a rien à faire d’eux. Ancien d’Algérie, marqué à vie par une catastrophe ferroviaire dont il a dû trier les cadavres, il s’en fout de tout. Il est peut-être même déjà mort…

Voyage au bout de ses ombres

Dernière station avant l’autoroute commence comme un roman noir classique, sombre. L’intrigue, pleine de recoins où se cache des vérités, bifurque à un moment où le personnage glisse peu à peu dans une forme de folie. Le flic en a trop vu. Il sait que le système est foutu, corrompu. Il sait que son histoire avec Alex arrive trop tard, qu’elle-même est déjà bien partie. Alors le roman prend une dimension presque métaphysique et devient un drame existentiel. L’écriture dut être longue et difficile, presque un trip sous acide. Le résultat est magistral en tout cas et on ne peut que se louer que Pagan ait finalement réussi à sortir de son silence. Les lecteurs de romans noirs ont besoin de son talent.

Si vous ne connaissez pas, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Sylvain Bonnet

Hugues Pagan, Dernière station avant l’autoroute, Rivages, janvier 2022, 448 pages, 9,20 eur

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