Hussein Al-Barghouti, Lumière bleue, autobiographie soufie
« Nous ne sommes pas faits de chair et de sang. Nous venons de romans et aux romans nous retournerons. »
Actes Sud propose une réédition du texte Lumière bleue, merveilleux roman autobiographique d’Hussein Al-Barghouti, poète, parolier, dramaturge, scénariste et essayiste palestinien qui enseigna la littérature et la philosophie dans les universités de Cisjordanie et de Jérusalem. « Probablement la plus belle réalisation de la littérature palestinienne en prose » selon Mahmoud Darwich, figure de proue de la poésie palestinienne.
Né sous le signe de la Méditerranée
Johnny est un être léger, il ne trimballe pas tout un passé historique. Tandis que ceux nés, comme moi, sous le signe de la Méditerranée, sont les héritiers de la plus ancienne révolution de l’histoire : l’invention de l’agriculture et la domestication du bétail à l’âge de pierre, puis l’invention des villages et des villes. Cette histoire venue du fonds des temps m’habite, m’enveloppe comme un vêtement.
Dans Lumière bleue, Hussein Al-Barghouti revient sur ses années de jeunesse où il étudiait la littérature à Seattle ; paumé, à la recherche de son identité et fuyant sa propre folie. Cet exil américain va devenir pour lui, un voyage initiatique. Au milieu de la galerie de personnages pour le moins originaux qu’il côtoie quotidiennement dans les bars, il rencontre Bari, le soufi de Konya, un sage-fou à l’énergie terrifiante et au couvre-chef en forme de champignon.
Un exil initiatique
Au fil de la narration, de dialogues en méditations, Hussein Al-Barghouti va expérimenter la pensée soufie et s’en trouver d’abord complètement bousculé, puis transformé à jamais.
C’est étrange comme les lieux peuvent ressembler à des pièges, parfois, et les pièges à des labyrinthes. Je l’ai rencontré, ce soufi de Konya, au cours de l’hiver 1986, il était un océan et je pensais qu’il avait un fond, il n’en avait pas. Ses eaux étaient limpides, mais elles plongeaient dans des profondeurs telles que seul leur créateur était capable de les sonder.
Hussein Al-Barghouti relate ici ses souvenirs au gré des rencontres avec son maître, sans chronologie apparente car « Le cœur dispose ses ’meubles’ en fonction de l’importance que chaque événement a pour lui, en se moquant bien de la chronologie communément admise. » Souvenirs de son enfance de berger, de son exil malheureux à Beyrouth, de son besoin de sécurité et de son père le chassant du foyer. Tant de couleurs qu’il nous incombe d’organiser, nous lecteurs, en un vitrail inachevé dont les manques laissent indubitablement fuser la lumière de l’esprit soufi.
« Plus le monde est étroit, plus il faut une vaste imagination. »
Lumière bleue est le très beau récit d’une quête personnelle poétique et philosophique, dont nous revenons nous aussi, différents. Forts des réflexions de l’auteur et des enseignements distillés par Bari, nous pouvons, nous aussi ressortir grandis de cette expérience littéraire. Voilà tout le bien que nous vous souhaitons !
Nathalie Hanin
Hussein Al-Barghouti, Lumière bleue, traduit de l’Arabe par Marianne Weiss, Actes Sud / Simbad, juin 2024, 180 pages, 17.30 euros