Impressions d’un Japonais en France


Richard Cortambert est un géographe du XIXe siècle, né en 1836, qui fut un écrivain prolixe, scientifique ou feuilletoniste selon l’occasion, ami de Jules Verne et surtout conteur hors pair. Pour s’amuser, et un peu à la manière du Montesquieu des Lettres Persanes, il inventa le personnage d’un lettré japonais, le docteur Kouen Fou, dont il raconte le voyage à Paris, en plein second empire. D’où ce livre Impressions d’un Japonais en France, paru en 1864, qui vient d’être réédité par le Mercure de France.

le japonisme à la mode

Lorsque le voyageur débarque à Marseille, le Japon n’est plus totalement inconnu des Français, et une sorte de mode du « japonisme » sévit même dans certains milieux au point d’influencer peintres et décorateurs. Sans se livrer à une analyse sociologique trop pointilleuse, le bon docteur Kouen Fou va de découvertes en découvertes, tant il est habité par « une insatiable curiosité et une dévorante passion de voyage ». Et d’ajouter « Le voyageur ressemble au conquérant ou au fumeur d’opium, rien ne peut assouvir ses penchants ; plus il a vu, plus il veut voir ». 

Porté par cette addiction, il fait un séjour riche d’étonnement : « En rentrant dans Paris, ce qui me frappa surtout, ce fut l’air de volupté, l’atmosphère de plaisirs profanes, qu’on y respire à pleins poumons. Heureux peuple que celui de France, parce qu’il oublie tout et ne prévoit rien ! » Plus loin, son guide l’amène « au pied d’un magnifique monument à deux tours », et il grimpe en haut de Notre Dame de Paris, sous la conduite d’un nouveau Quasimodo : « un vieux petit bonhomme contrefait ». Ce passage ne se lit pas sans émotion aujourd’hui. 

Autre passage, mais hilarant celui-là : le résumé de mille ans d’histoire de France, racontés en quinze pages, dans un récit galopant qui vaut son pesant d’arquebuse. Car on trouve ici le trait essentiel de ce bouquin, c’est son humour, la finesse d’analyse de son héros, son plaisir de voyager l’oeil ouvert et l’oreille attentive, le ton général parfois savant, souvent drôle. Du petit peuple de Marseille aux grandes coquettes de Paris, en passant par quelque Tartuffe et autre coquin, de salon en théâtre, et de surprise en surprise, le lecteur visite lui aussi le Paris d’autrefois, où l’aventure était au coin de la rue.

Loués soient Cortambert et le Mercure de France !

Didier Ters

Richard Cortambert, Impressions d’un Japonais en France, Mercure de France, « Le Temps retrouvé », avril 2018, 256 pages, 8,90 eur

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :