Vichy et la justice, des juges aux ordres?
Lorsque s’effondre la IIIe république le 10 juillet 1940 et que s’installe l’Etat Français de Pétain, les juges sont ceux nommés et formés par le régime précédent. Comment ces juges se sont-ils installés dans ce régime qui, assez vite, se met à poursuivre de plus en plus de français pour des motifs politiques ? Jacques Duret, ancien avocat et docteur en histoire contemporaine, nous donne avec Vichy et la justice un essai, on va le voir, très complet.
Une histoire de la justice politique

Il s’agit tout d’abord de regarder la longue durée. Durant tout le dix-neuvième siècle, on juge pour des motifs politiques, particulièrement sous la Restauration et la monarchie de Juillet, moins sous le second empire (le moment du coup d’état est une exception) et bien sûr la IIIe République. Reste que face à la vague d’attentats anarchistes des années 1890, le régime fait voter des lois spéciales (les fameuses « lois scélérates). En 1939, le régime met en place des lois anticommunistes, suite à l’interdiction du PCF, que Vichy va réemployer très vite.
Des magistrats aux ordres ?
Seul un magistrat refuse de prêter serment à Pétain : ce seul critère démontrerait que la justice suit la politique décidée à Vichy… or c’est plus compliqué. On comprend que durant l’année 1941, les juges, dans le cadre de la justice ordinaire, ont la main plus lourde vis-à-vis des prévenus mais gardent une liberté d’appréciation. L’instauration de la section spéciale (il faut voir le film de Costa-Gavras, Section spéciale) change la donne au début : trois condamnations à mort le 27 août 1941 pour de la propagande. Peu de juges refusent de siéger, pour des raisons de carrière.
Mais les allemands estiment que la justice française se montre trop timorée, même avec le remplacement de Joseph Barthélémy par Maurice Gabolde en 1943 : les juges sont trop marqués par l’idée de proportionnalité des peines. Vichy essaie de réduire l’importance de la section spéciale ou du tribunal d’état qui ont moins de dossiers et, à partir de 1943, se montre de plus en plus cléments, l’approche de la Libération y aide.
Bonne synthèse.
Sylvain Bonnet
Jacques Duret, Vichy et la justice, Passés composés, février 2025, 304 pages, 24 euros