Les enchanteurs, Hollywood tombe de son piédestal

Le retour du Mad dog

Depuis la parution en France en 1987 de Lune sanglante, la parution d’un nouveau roman de James Ellroy est toujours un évènement littéraire. Obsédé par la période 1941-1969, Ellroy ne cesse depuis American Tabloid le passé des États-Unis, mettant en lumière les liens entre Police, Mafia et politique (et on peut que JFK est une ses cibles favorites). Avec Les enchanteurs, Ellroy choisit de raconter l’été 1962 et la mort de Marylin Monroe. Et pour mieux agrémenter son récit, il choisit de se placer du point de vue de Freddy Otash, personnage réel et maître chanteur notoire du tout Hollywood.

Fatal été

Nous voici donc à Los Angeles en 1962. Marylin Monroe est retrouvée morte. Otash est sur les lieux, guettant les indices, regardant tout. Elle était écoutée et pas seulement par lui.

Retour quelques mois plus tôt. La Fox perd des montagnes d’argent avec le tournage de Cléopâtre et de Someting’s got to give de Cukor, avec Marylin Monroe. Freddy Otash, ex flic et détective privé spécialisé dans le chantage sexuel, est engagé par Jimmy Hoffa, le patron du syndicat des teamsters, pour écouter Marylin Monroe dans son bungalow car elle passe son temps à appeler la Maison Blanche. Sa liaison avec le président est un secret de polichinelle dans certains milieux.

« Jimmy Hoffa a dit : « Les Kennedy. Mes sources m’ont raconté que vous étiez de nouveau en chevilles avec ses merdeux.

L’hôtel Slater au centre-ville. Une petite suite proprette. Café et beignets. C’est une confrontation. On est assis dans deux fauteuils tout proches. Nos genoux se frôlent.

« Avec Jack, oui. Je suis sûr que vous connaissez l’histoire. »

Freddy embauche une équipe, installe des micros. Et écoute Marylin. Lorsqu’elle téléphone. Lorsqu’elle s’envoie en l’air avec le livreur de pizza. Il la suit lorsqu’elle va voir son psy, ses amies. Ecoute tout. Quelques mois plus tard, il s’agira de travailler pour les frères Kennedy et de ternir l’image de la star immature. Cela n’empêche pas Freddy Otash d’enquêter sur le passé de Marylin, ses relations avec ses psys. Sa mort est liée aux assassinats du Satyre, qui tue des belles femmes seules. Freddy, obsédé par ses amours éphémères avec Pat, la sœur de JFK, n’est pas au bout de ses peines…

Un roman puzzle

Difficile donc de résumer Les Enchanteurs où Ellroy a pour ambition de raconter une époque, n’hésitant pas à dézinguer le mythe qu’est devenu Marylin Monroe (son jugement sur ses talents d’actrice est sans équivoque). Les Kennedy n’en sortent pas non plus indemnes, surtout Bobby, surnommé « le pourri », toujours dépeint comme un manipulateur et un stratège au petit pied. C’est d’ailleurs un des défauts de ce livre très bien écrit mais trop marqué par les obsessions de son auteur : il finit par donner envie de trouver des qualités aux deux frères Kennedy ! Reste une peinture impitoyable d’une époque et un talent incroyable d’écriture. Les Enchanteurs est une preuve de plus du génie d’Ellroy.

Sylvain Bonnet

James Ellroy, Les enchanteurs, traduit de l’anglais par Sophie Aslanides & Séverine Weiss, Rivages, août 2024, 672 pages, 26 euros

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