Bouche d’ombre, de la perversion

Pascal Dessaint s’est fait un nom dans le milieu du roman noir français avec des romans comme Mourir n’est peut-être pas le pire des choses (Rivages, 2003), Un homme doit mourir (Rivages, 2017) ou Le chemin s’arrêtera là (Rivages, 2015) qui a de plus reçu le prix Jean Amila Meckert. Bouche d’ombre est ici rééditée dans la collection « Les iconique de François Guérif », une manière de mettre en avant le catalogue des éditions Rivages.

Dans la toile tissée par un salaud

« Elvire collait au pare-brise et je me gardais bien de poser ma main sur sa cuisse. Elle était entièrement à sa conduite et je pouvais sentir la tension dans ses maxillaires, observer à loisir les cernes sous ses yeux, le renflement de son ventre qu’elle ne cherchait plus à dissimuler. Elvire était peut-être déjà fixée sur le sexe de l’enfant mais cela m’importait peu, et puis elle m’en parlerait lorsqu’elle en aurait envie, il suffisait aussi que je lui demande de quoi il retournait pour qu’elle joue aux devinettes, et je ne me sentais pas d’humeur, les circonstances ne me semblaient pas non plus favoriser les confidences. »

Elvire, accompagnée de Simon, se rend chez le notaire afin de prendre connaissance le testament de son frère Daniel mort il y a peu. Non seulement elle a le déplaisir de rencontrer Julia, la maitresse de son frère mais la voilà face à une mauvaise surprise… retour quelques semaines plus tôt. Daniel vit de ses rentes et vit avec sa sœur Elvire, qu’il humilie quotidiennement et dont il a fait son esclave sexuel. Il entretient Julia, une jeune androgyne amoureuse de lui. Il décide d’engager un sans-abri, Simon, dont il fait son chauffeur et son homme à tout faire. Par le biais de ses trois personnages, on découvre qui est Daniel, un salaud manipulateur qui les a aussi initiés à ses perversions…

Un polar exemplaire

Difficile de résumer Bouche d’ombre, prix mystère de la critique en 1997 et petit tour de force concocté par Pascal Dessaint qui choisit de raconter son histoire par le biais de trois personnages différents, chacun apportant un éclairage différent sur Daniel. Et peu à peu, le salaud retrouve une part d’humanité tandis que ses colistiers gagnent en noirceur. Subtil et à déguster quand on aime le roman noir dont Dessaint est aujourd’hui un des meilleurs représentants en France.

Sylvain Bonnet

Pascal Dessaint, Bouche d’ombre, Rivages, septembre 2024, 256 pages, 9,20 euros

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